Intervention de Général Jean-Daniel Testé

Réunion du 17 mai 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-Daniel Testé :

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer pour la première fois devant vous.

L'espace est l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle et, plus que jamais, un facteur structurant de la puissance d'un État. Il est présent dans notre vie quotidienne au travers des télécommunications, de la météorologie et de la navigation. Il a été établi statistiquement que, dans les sociétés occidentales, un individu utilise en moyenne 47 satellites par jour, notamment lorsqu'il se sert du système GPS ou qu'il navigue sur Internet : à elle seule, la constellation GPS compte une trentaine de satellites.

L'espace est également un instrument de politique étrangère, qui confère à celui qui le maîtrise une autonomie d'appréciation, donc de décision. C'est aussi le symbole de la puissance d'une nation, qui atteste de son niveau scientifique, technique, industriel et financier.

Enfin, d'un point de vue militaire, l'espace est un multiplicateur de force en ce qu'il nous permet de voir plus loin, de décider plus vite et mieux. La qualité de l'appui spatial contribue directement à la réussite de nos opérations militaires actuelles.

En 2015, nous avons acquis 42 000 images de toute nature sur la surface du globe, ce qui représente environ 120 images par jour, recueillies par l'ensemble des satellites d'observation auxquels nous avons accès.

Nous avons déployé 51 stations de télécommunication par satellite, dans tous les endroits du monde où les forces françaises sont en opération.

100 % des missions que nous avons réalisées – toutes missions confondues, qu'elles soient maritimes, terrestres ou aériennes – ont utilisé le GPS.

67 % des armements que nous avons tirés l'ont été sur coordonnées, c'est-à-dire que l'objectif a été localisé sur des images satellites, et que l'armement a été dirigé au moyen d'un guidage inertiel ou GPS. Nous devons donc reconnaître que les opérations militaires sont très largement dépendantes des systèmes spatiaux.

Nous avons procédé à six manoeuvres anticollision en 2015. Par comparaison, durant les quatre ans que j'ai passés au Centre national d'études spatiales (CNES) dans les années 1990, au sein d'un centre de contrôle de satellites où nous avions quatre satellites à contrôler – trois satellites civils SPOT et un satellite militaire Helios 1 –, nous avions procédé à une seule manoeuvre d'évitement de collision entre un satellite et des débris spatiaux. Je précise qu'avec six manoeuvres en un an, nous sommes en deçà de la moyenne de ces dernières années : en 2014, nous avions eu quatre manoeuvres d'évitement pour chacun des quatre satellites en orbite basse, soit seize manoeuvres anticollision au total ! En tout état de cause, la tendance est à l'augmentation des risques de collision.

Enfin, nous avons suivi trois événements particuliers, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.

L'utilisation croissante de l'espace par nos sociétés crée une dépendance, donc une vulnérabilité. L'espace est déjà devenu le champ d'expression de rapports de puissance, sa militarisation pourrait le transformer, si nous n'y prenons garde, en nouveau champ de bataille dans les décennies à venir. Le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale précise que la France, comme l'ensemble de ses partenaires de l'Union européenne, est opposée à ce que l'espace devienne un nouveau champ de bataille. Notre pays n'envisage pas de se doter d'armes dans l'espace, et poursuivra ses efforts diplomatiques visant à la non-militarisation de l'espace. Il est donc clair que, pour la France, l'utilisation de l'espace à des fins de défense et de sécurité nationale se limite à l'exploitation de systèmes spatiaux dépourvus de moyens d'agression, ce qui signifie que tous nos moyens satellitaires sont pacifiques : il ne s'agit que de renseignement, localisation et télécommunications.

Si nous refusons toute militarisation de l'espace, nous ne sommes pas naïfs pour autant. En janvier 2007, la Chine a détruit l'un de ses anciens satellites au moyen d'un missile lancé depuis son territoire. Ce tir a été à l'origine de la plus grosse pollution de l'histoire spatiale en termes de production de débris. Aujourd'hui, 50 % des manoeuvres anticollision sont causées par deux événements : d'une part, la destruction du satellite chinois que je viens d'évoquer, ayant généré plus de 3 000 débris à l'origine – qui, en se fragmentant, seraient passés à plus de 9 000 – ; d'autre part, la collision inopinée entre un satellite Iridium américain et un satellite Kosmos russe en 2009, qui a également engendré une grande masse de débris contribuant à polluer l'espace dans les orbites basses, c'est-à-dire situées entre 400 et 1 000 kilomètres d'altitude. L'Inde a créé un centre de commandement de la défense spatiale. De leur côté, les Russes et les Chinois déploient régulièrement des systèmes spatiaux dans l'espace, montrant que sa militarisation est une possibilité qu'il serait irresponsable d'écarter.

Utilisant occasionnellement un télescope mis à notre disposition par le CNES et par Airbus afin d'observer l'orbite géostationnaire, nous avons eu la surprise, en examinant des clichés de l'un de nos satellites de télécommunication Syracuse pris en 2011, 2013 et 2015, de découvrir qu'un autre objet, de plus petite taille, se trouvait à proximité – proximité spatiale, s'entend. À ce jour, on ne sait toujours pas ce qu'était cet objet, mais nous avons la certitude que les Russes, les Chinois et les Américains ont mis au point des systèmes destinés à aller observer et écouter au plus près les systèmes spatiaux d'autres pays, ce qui pose de graves questions en termes de sécurité.

Au début de l'année 2015, la société Intelsat, qui met en oeuvre des satellites de télécommunications, nous a alertés sur le fait qu'un satellite russe censé rester en position géostationnaire s'était mis à se déplacer pour balayer un large arc de cercle allant de l'océan Indien jusqu'au milieu de l'Atlantique, au mépris de tous les règlements internationaux – Intelsat s'inquiétait d'ailleurs de voir cet engin s'approcher de l'un de ses propres satellites, car le moindre problème avec un satellite de télécommunications peut avoir des conséquences se chiffrant en millions d'euros. Plusieurs hypothèses pouvaient expliquer ce mouvement, allant du soutien à un déploiement de la flotte russe à la transmission d'images prises par un autre satellite russe sur des zones d'opération russes – en l'occurrence la Syrie et l'Irak –, en passant par le soutien aux bombardiers à long rayon d'action russe.

Je vous ai donné ces deux exemples récents pour vous faire comprendre qu'il se passe beaucoup de choses dans l'espace, et que nous devons constamment progresser dans la connaissance des objets qui s'y trouvent.

Les capacités spatiales ont fait l'objet, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, d'un effort particulier, qui devra être poursuivi et complété lors de la prochaine LPM afin de garantir la sécurité de nos satellites et la qualité du soutien spatial aux opérations. Ces deux priorités sont exprimées dans un rapport sur la politique spatiale militaire que l'état-major des armées (EMA) devrait publier avant la fin du mois du juin. La première priorité est la sécurité de nos satellites opérationnels, pour les raisons que je viens d'exposer. La deuxième priorité est le soutien spatial aux opérations, car la maîtrise de l'espace est indispensable à la qualité de celles-ci.

Le commandement interarmées de l'espace (CIE) a été créé il y a un peu plus de cinq ans pour élaborer et mettre en oeuvre notre politique spatiale militaire. Naturellement, l'implication des armées dans l'utilisation de l'espace n'est pas nouvelle. Interarmées dès l'origine, les programmes Syracuse et Hélios ont permis de conforter la position de la France et d'offrir à nos autorités politiques des éléments nouveaux et autonomes d'appréciation de situations. Néanmoins, clients et opérateurs militaires n'avaient pas toujours de vision coordonnée des besoins et des calendriers, alors que l'expertise technique et l'exploitation opérationnelle étaient au plus haut. C'est dans ce cadre que s'est inscrite la création du CIE.

Face aux enjeux croissants des questions spatiales, nous avions besoin d'une meilleure gouvernance et d'une plus grande cohérence dans l'utilisation de l'espace. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a donc logiquement recommandé que « la doctrine des opérations et des programmes spatiaux soit placée sous la responsabilité d'un commandement interarmées identifié et dédié, placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées ». La mission du CIE est très claire : placé à un niveau stratégique relevant du chef d'état-major des armées, sous l'autorité du major général et sous la tutelle du sous-chef opérations de l'état-major des armées, le commandement interarmées de l'espace se voit attribuer des missions traitées par quatre bureaux à vocation transverse, qui constituent l'échelon de synthèse.

Le bureau politique spatiale et coopérations (BPOL) est chargé de l'élaboration de la contribution des armées à la politique spatiale nationale, et participe à la coordination des différents organismes qui travaillent dans le domaine spatial en vue d'une meilleure cohérence d'ensemble. Il est également chargé d'élaborer et de mettre en oeuvre les nombreuses coopérations internationales dans ce domaine. Le bureau préparation de l'avenir (BPAV), dont le chef est ici présent, fédère l'expression des besoins opérationnels et participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre des stratégies d'acquisition des capacités spatiales, en particulier dans la conduite des programmes en coopération avec la direction générale de l'armement et le CNES. Le bureau emploi et coordination (BEC) est chargé du commandement et de la coordination de l'emploi des capacités spatiales à la disposition de la défense. Il élabore les directives d'emploi des moyens spatiaux vers les contrôleurs opérationnels et mesure leur efficacité vis-à-vis des objectifs opérationnels fixés. Le bureau maîtrise de l'environnement spatial (BME) est chargé de l'élaboration de la situation spatiale – surveillance de l'espace – avec les chaînes opérations et renseignement de la défense, de la protection de nos capacités spatiales, de la préservation de la capacité d'utilisation des moyens, de la maîtrise de la situation spatiale internationale et de la pérennisation des compétences « espace » dans les forces armées.

Ces quatre bureaux structurent et organisent les travaux de l'échelon technique, composé de six sections : observation, écoute, surveillance de l'espace, alerte, télécommunications et positionnement-navigation-datation. Cet échelon armé d'officiers spécialistes constitue la référence interarmées de ces domaines, afin de recueillir les besoins des armées, participer à l'acquisition des moyens spatiaux dédiés et optimiser l'utilisation des ressources spatiales existantes. En résumé, le CIE est le point d'entrée unique de toute question spatiale relevant de la compétence des armées. Il a donc un rôle de fédérateur chargé d'identifier les besoins militaires des trois armées, de commander les capacités spatiales militaires françaises en service et de coordonner leur emploi, et de participer à l'élaboration de la conduite des coopérations européennes internationales et multinationales. Enfin, fort de son expertise, il doit conseiller les autorités et organismes du ministère de la défense.

Le CIE a actuellement la responsabilité d'utilisation de douze satellites, d'observation – deux Helios et deux Pléiades avec le CNES –, d'écoute – quatre ELISA – et de télécommunications – deux Syracuse III, un ATHENA-FIDUS et un SICRAL 2 avec l'Italie. Il a également conclu des partenariats avec l'Allemagne et l'Italie pour l'imagerie radar avec les satellites SAR-Lupe et COSMO-SkyMed. La défense française utilise donc au quotidien vingt et un satellites répartis en huit systèmes différents.

La création du CIE répond aussi à un besoin de soutien aux opérations. Cette mission a été confortée par la création en 2015 d'un centre d'opérations espace qui travaille en synergie avec le centre de planification et de conduite des opérations.

La défense française dispose du spectre quasi-complet des capacités spatiales, à savoir l'observation de la Terre, l'écoute électromagnétique, les télécommunications satellitaires, le système de positionnement-navigation-datation et la surveillance de l'espace. Comme vous l'avez dit, Madame la présidente, cela représente un investissement significatif : les lois de programmation militaire 2009-2014 et 2014-2019 ont consacré un effort important au renouvellement et à l'amélioration de toutes ses capacités. Ainsi, de 2018 à 2022, les huit satellites militaires français seront remplacés par huit nouveaux satellites, tandis que l'alerte avancée et la surveillance maritime feront l'objet d'études.

Dans le domaine de l'observation spatiale, la défense dispose d'un accès souverain à l'imagerie optique et d'un accès garanti à l'imagerie SAR (Synthetic Aperture Radar). L'imagerie optique est fournie par deux satellites militaires Helios 2 lancés en 2004 et 2009, et deux satellites Pléiades lancés en 2011 et 2012, qui permettent d'observer de jour dans le visible et de nuit dans l'infrarouge. Offrant un accès en tout temps, l'imagerie radar (SAR) est apportée par les échanges capacitaires avec l'Allemagne, qui nous donne accès au satellite militaire SAR-Lupe et avec l'Italie, qui nous donne accès au satellite militaire COSMO-SkyMed.

Différentes initiatives, notamment celle prise par la France, pour créer un segment commun européen depuis l'initiative MUSIS (Multinational spacebased imaging system) pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation, n'ont pas abouti faute de volonté des États membres. Ces difficultés se poursuivant, en 2010, la France a décidé seule du lancement et de la réalisation de satellites de la composante spatiale optique MUSIS – les deux premiers satellites doivent être livrés dans le cadre de la LPM en cours. Elle a ainsi fait évoluer le schéma de gouvernance : alors que le système Helios 2 est en copropriété avec la Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Grèce, la France est entièrement propriétaire du segment spatial CSO. Elle a associé l'Allemagne au troisième satellite, commandé en 2015 pour une livraison prévue fin 2021, par le biais d'une contribution financière et d'un échange capacitaire avec les satellites allemands de nouvelle génération SARah.

Le système CSO comporte donc à ce jour deux partenaires, à savoir l'Allemagne et la Suède. Des discussions sont en cours avec d'autres ministères européens de la Défense, notamment celui de la Belgique. Par rapport aux satellites Helios 2, les trois satellites CSO vont permettre à la défense de faire un bond quantitatif – avec la multiplication par quatre du nombre d'images accessibles – et qualitatif – avec des images en extrêmement haute résolution, l'infrarouge thermique et des moyens permettant l'identification de la plupart des objets d'intérêt militaire et la détection d'activité. Lancés entre 2018 et 2021 et d'une durée de vie théorique de dix ans, ils permettent d'envisager la capacité autonome d'appréciation de situation de la France jusqu'en 2030 de manière sereine.

Participant aussi à l'autonomie d'appréciation de situation en concourant à la stratégie française de dissuasion et de sauvegarde de nos aéronefs, les satellites d'écoute électromagnétique contribuent au cycle du renseignement d'origine électromagnétique, en interceptant les signaux issus des systèmes radar et de télécommunications, en tout temps et en tout lieu. À la suite des satellites Cerise et Clémentine, la défense s'est lancée dans les satellites en grappe, avec les démonstrateurs ESSAIM, puis ELISA – ce dernier étant encore en service actuellement. Après une phase d'expérimentation technico-opérationnelle, le système Élisa est aujourd'hui dédié à une mission pré-opérationnelle, en attendant la mise en service des trois satellites CERES. Nous avons prolongé jusqu'en 2019 la durée de vie du système ELISA, qui aurait dû s'arrêter à la fin des expérimentations en 2014. Le programme CERES (Capacité de REnseignement Electromagnétique Spatiale), prévu pour une entrée en service en 2020, est entré au stade de réalisation début 2015. Premier système opérationnel des forces armées dédié au renseignement d'origine électromagnétique, il permettra de récolter et de localiser à partir de l'espace tous les signaux électromagnétiques émis par les radars et les systèmes de télécommunications.

Les télécommunications satellitaires sont une capacité-clé de l'autonomie de décision et d'action des forces armées. Cette capacité se compose d'un noyau dur souverain et antibrouillé avec des satellites militaires, d'un noyau augmenté garanti et protégé, avec un satellite gouvernemental dual, et d'un complément commercial. Le système de télécommunications militaires sécurisées par satellite des armées, Syracuse III, a récemment été renforcé par le satellite Sicral 2 en coopération avec l'Italie. Lancé le 26 avril 2015 et mis en service opérationnel le 29 février 2016, le satellite italien apporte un complément de capacité ainsi qu'un secours dans la période de fin de vie des satellites Syracuse III. En décembre 2015, la DGA a signé le contrat d'acquisition de deux satellites COMSAT NG, qui viendront remplacer les satellites Syracuse IIIA et Syracuse IIIB, respectivement en 2021 et 2023. Ces nouveaux satellites permettront de faire face à l'augmentation des besoins d'échanges d'informations, qu'entraînent l'utilisation des drones et la multiplicité des sources d'information utilisées pour la prise de décision. Ils apporteront une meilleure protection contre le brouillage. Après avoir étudié une acquisition de type partenariat public-privé, il a été décidé de retenir la solution d'une acquisition patrimoniale des satellites. L'objectif de valorisation des surcapacités initiales – en début de vie du système – est conservé. De plus, le ministère de la Défense s'est engagé à fournir un volume de bande passante à l'OTAN dans le cadre du paquet capacitaire CP130, comme elle le fait actuellement avec les satellites Syracuse III dans le cadre du programme NSP2K. Afin d'exploiter au mieux ces satellites, un segment sol s'appuyant au maximum sur les investissements déjà consentis dans le cadre des programmes Syracuse III et COMCEPT sera développé à compter de 2018. En complément de ces systèmes de télécommunications sécurisés, le ministère de la défense exploite le système dual ATHENA-FIDUS, réalisé par le CNES en coopération avec l'Italie, et a développé le segment sol utilisateur concept. ATHENA-FIDUS fournit un complément de capacité garanti haut débit mais non durci, en bande Ka militaire. Les premières utilisations révèlent un potentiel prometteur, et le système sera prochainement mis en service opérationnel. Il est envisagé de valoriser les surcapacités initiales du satellite ATHENA-FIDUS dans le cadre du projet européen GOVSATCOM. Cette capacité est destinée, d'une part à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), par la fourniture de ressources satellitaires au profit d'autres armées européennes ne disposant pas de capacités nationales, d'autre part à la Commission européenne, au profit d'agences européennes ou d'administrations nationales effectuant des missions européennes. Enfin, hors des couvertures de ces systèmes, les forces armées ont recours à des ressources satellitaires civiles, grâce à la convention ASTEL S, renouvelée en 2014 par la Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) pour une durée de quatre ans.

La capacité de positionnement-navigation-datation est une autre capacité-clé de l'autonomie de décision et d'action, notamment pour le guidage des munitions, la navigation des plateformes, mais aussi la synchronisation des systèmes d'information et de communication du commandement. La défense dispose d'un accès aux signaux civils et militaires du système américain GPS à travers des récepteurs militaires développés en France sous licence américaine, ou acquis via les Foreign Military Sales (FMS). Le GPS évolue, avec la mise en service des satellites GPS III et la modernisation du segment sol. Ces changements nécessiteront un renouvellement des récepteurs afin que ceux-ci soient compatibles avec le nouveau signal militaire code M, qui sera opérationnel vers 2020. Parallèlement, le système européen Galiléo monte en puissance, avec le lancement des quinzième et seizième satellites. Il devrait ouvrir ses services en 2017, et le service gouvernemental devrait être pleinement opérationnel avant 2020. Ces évolutions relatives aux signaux, conjuguées à la recrudescence des menaces de brouillage, ont amené les armées à réfléchir au renouvellement de leurs capacités de positionnement-navigation-datation. Dans ce cadre, l'opération OMEGA vise à équiper les forces armées de récepteurs résistants au brouillage et accédant à plusieurs constellations, typiquement GPS et Galiléo. Actuellement au stade d'orientation, le programme OMEGA devra proposer d'ici à la fin de l'année plusieurs solutions techniques de récepteurs pour équiper les plateformes, effecteurs et munitions à haute valeur en 2020. La réalisation des récepteurs et leur intégration seront en grande partie réalisées sur la prochaine LPM.

Permettant d'avoir une connaissance de ce qui se passe dans l'espace exo-atmosphérique, la surveillance de l'espace est une capacité-clé de notre autonomie d'utilisation de l'espace et d'appréciation de situations spatiales, afin de faire face à l'augmentation croissante des objets et des débris, mais aussi des menaces que représentent certains moyens spatiaux ou au sol. Pour cette mission, la défense dispose du système GRAVES, qui permet de détecter et suivre les objets de plus d'un mètre carré de surface équivalente radar sur des orbites basses, c'est-à-dire comprises entre 400 et 1 000 kilomètres d'altitude. Le démonstrateur rendu opérationnel en 2005 fait l'objet de rénovations : un premier traitement des obsolescences s'est achevé en 2015, et une opération de maintien de performances jusqu'à l'horizon 2025-2030 est programmée sur la LPM 2014-2019. Néanmoins, ces rénovations ne permettront pas de continuer à détecter les objets militaires dont la taille se réduit sans cesse, à l'image des nanosatellites et des CubeSat, ni de suivre un nombre croissant d'objets, à moins d'améliorer les performances du radar. Cette amélioration, ainsi que la capacité de suivi des objets sur l'orbite géostationnaire, sont aujourd'hui exprimées dans le cadre de l'objectif d'état-major SCCOA 5, qui doit faire l'objet de financements dans la prochaine LPM. En parallèle, la défense cherche à valoriser les données GRAVES dans le programme européen SST (Space Surveillance and Tracking) ; ce programme, lancé par la Commission européenne en 2015, devrait attribuer à la France un budget de quatre millions d'euros par an pour la fourniture de données GRAVES et d'un service anticollision.

Dans son ensemble, la LPM 2014-2019 consacre un effort important au domaine spatial, se traduisant par une augmentation annuelle des dépenses d'investissement. Ainsi, les crédits de paiement des programmes militaires spatiaux inscrits au programme 146 passent de 335 millions d'euros en 2013 à 542 millions d'euros en 2019. En 2015, le ministère de la Défense a investi 596 millions d'euros dans le spatial : 151 millions d'euros, soit 25 %, sont consacrés à la recherche spatiale dans le cadre du programme 191 – Recherche duale – et 445 millions d'euros sont consacrés au programme 146 – Équipement des forces –, parmi lesquels 332 millions d'euros, soit 56 %, sont investis dans le développement et la réalisation de programmes spatiaux et 113 millions d'euros, soit 19 %, sont affectés au maintien en condition opérationnelle.

Cet effort permettra le remplacement des systèmes existants Helios 2 et Syracuse III, et devra se poursuivre sur la prochaine LPM. En effet, le troisième satellite CSO, les trois satellites CERES et les deux satellites COMSAT NG seront lancés à partir de 2020. Après les études amont réalisées sur les capteurs spatiaux et le radar très longue portée, la prochaine LPM devra donc décider du sort de la capacité nationale d'alerte avancée.

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