La dualité, qui constitue le fondement de notre politique technologique, a connu une première génération, que je qualifierai de technique, au début des années 1990, quand les satellites d'observation Hélios ont été conçus sur la même plateforme que les satellites commerciaux SPOT : ces deux satellites ont été développés conjointement, avec un cofinancement de la défense et du secteur privé, sous la supervision du CNES et des industriels français – en l'occurrence Matra Marconi Space, qui allait devenir Airbus quelques années plus tard. Cette démarche a abouti à la création de deux systèmes parfaitement satisfaisants : les satellites SPOT existent encore – les générations SPOT 6 et SPOT 7 sont encore en fonctionnement – et les satellites Hélios 1 et 2 ont largement dépassé leur durée de vie nominale, ce qui montre bien l'excellence de la technologie française en la matière.
La deuxième génération de dualité est la dualité dans l'emploi. Les satellites Pléiades 1A et Pléiades 1B ont été financés sur le programme 191 « Recherche duale » du budget de la Défense. Mis en oeuvre au profit de la défense, mais aussi du CNES, qui a délégué la maîtrise d'oeuvre du service public à Airbus, ce dernier commercialisant les images prises par les satellites, ils sont donc utilisés conjointement à des fins civiles et militaires. J'avoue qu'à l'origine, j'étais réservé quant au principe de dualité et surtout quant à l'idée de partager des données de niveau stratégique avec un service commercial. Cela dit, les satellites Pléiades constituent aujourd'hui notre principal outil d'acquisition de renseignement !
Pour ce qui est de notre mission de surveillance, nous avons développé un centre d'opérations espace qui fédère en un lieu unique ce que les Américains ont réparti sur trois ou quatre centres. Ce centre nous permet de fournir en permanence un soutien aux opérations, puisqu'il est situé dans le pôle opérationnel. À proximité immédiate, on trouve le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), l'état-major opérationnel de la marine, celui de l'armée de l'air et celui de l'armée de terre, qui viennent régulièrement nous consulter afin que nous leur fournissions un soutien.
Puisque vous avez évoqué Clipperton, je vous précise que nous effectuons actuellement une prise radar par jour sur l'île afin d'assurer notre souveraineté. ALPACI – l'amiral français commandant la zone maritime de l'océan Pacifique – n'étant pas doté de moyens d'exploitation et de réception d'informations, nous effectuons cette mission à son profit, en procédant à une analyse succincte au centre d'opérations espace, dont nous lui transmettons les résultats de façon quotidienne. Depuis un an, nous avons fait exactement le même travail pour la Guyane, où la pêche illégale est un problème crucial : nous y effectuons tous les jours deux prises de vue radar – le meilleur outil pour la surveillance maritime – que nous analysons et dont nous envoyons la synthèse à l'officier général commandant supérieur des forces armées en Guyane, afin de lui permettre d'optimiser l'emploi des moyens maritimes. Comme vous le voyez, nous avons la préoccupation permanente d'alimenter régulièrement les commandements supérieurs et les commandements de forces françaises déployées en données spatiales pertinentes.