Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 18 juillet 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer :

Les plates-formes locales de France Initiative dépendent aujourd'hui largement du concours des collectivités, en particulier des départements. La réforme des collectivités locales n'est pas sans les inquiéter. Les régions ou les communautés d'agglomération prendront-elles entièrement le relais ? La Caisse des dépôts et consignations a un rôle-clé à jouer, d'autant que ne sont pas là en jeu des millions d'euros. Ce tissu de TPE est très important sur le plan social et pour la vitalité des territoires.

Pour les PME, la constitution de filières est essentielle. Les grands groupes, industriels ou de distribution, doivent les soutenir et les aider à grandir. Là encore, nous pourrions nous inspirer de ce qui se fait en Allemagne. Je prendrai l'exemple de l'agro-alimentaire, filière essentielle pour l'industrie française, et de la grande distribution, où la France possède les plus grands groupes mondiaux après les États-Unis. Nous n'encourageons pas assez ces grands groupes, présents dans le monde entier, à emmener dans leur sillage nos producteurs agro-alimentaires. Or, pour en avoir parlé avec eux, je sais que les patrons des grands groupes de distribution sont tout à fait disposés à le faire si on le leur demande. Point n'est besoin là de mesures légales ou réglementaires, simplement de demander à ces chefs d'entreprise de contribuer au développement de la filière agro-alimentaire tout entière, et de les convaincre que le petit investissement que cela leur demande dans l'immédiat leur sera utile à long terme.

Pour ce qui est des normes, ce qu'a dit Jean-Louis Beffa est tout à fait exact : contrairement à ce qui se passe en France, en Allemagne, les normes sont d'abord discutées avec les industriels. Il faudrait qu'il en aille de même dans notre pays. Les règles de commercialisation des produits étrangers devraient également être revues. Pour vendre un produit français en Allemagne, il faut recevoir l'aval des organismes de normalisation allemands. Pour vendre un produit allemand en France, il suffit au producteur de s'autocertifier. Pourquoi n'y a-t-il pas de réciprocité ? Je ne m'étends pas sur le risque pris lorsqu'il s'agit de produits chinois dont les fabricants s'autocertifient. Dans ces domaines également, ce n'est pas une question d'argent, mais de volonté. Et il faut agir au niveau national. Cela ne signifie pas que l'Union européenne ne doive pas plaider la réciprocité et se garder de toute naïveté. Mais on ne peut pas lui reprocher notre propre inaction.

Je suis pleinement d'accord avec ce qu'a dit Jean-Louis Beffa sur les pôles de compétitivité. J'ajoute seulement qu'un dialogue structuré avec de grandes entreprises publiques comme EDF et de grands organismes publics de recherche comme le CEA ou le CNRS, qui ont d'importantes capacités d'intervention dans le domaine par exemple des énergies nouvelles, permettrait qu'ils soutiennent davantage ces filières.

S'agissant des plus-values, pas besoin de les taxer à 75 %, il suffit de les tenir pour des bénéfices comme les autres. Cela éviterait bien des complications tout en permettant d'obtenir l'effet recherché.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée que certaines industries auraient un avenir, d'autres pas. Mon expérience m'a appris qu'il y avait seulement des entreprises dynamiques et d'autres moins. Décréter qu'une entreprise appartient à un secteur du passé n'est pas la meilleure façon de la motiver. Même dans des domaines dits traditionnels, il existe des possibilités de développement. Pour avoir pendant treize ans présidé une entreprise dont on m'avait expliqué à ma prise de fonctions qu'elle était condamnée, non à cause de ses pertes, mais parce que c'était une entreprise du passé, je suis convaincu que partout il peut y avoir un avenir.

Je partage totalement ce qui a été dit sur le modèle social français. Tous les classements internationaux font apparaître le Danemark, la Norvège et la Suède, dont le modèle social est très proche du nôtre, parmi les pays les plus compétitifs du monde. Sacrifier notre modèle social à notre compétitivité serait une grave erreur, et même une faute.

Simplifier la réglementation sociale, trop compliquée dans certains cas, mieux prendre en compte le facteur temps, bien sûr. Attention toutefois à ce que la jurisprudence ne vienne pas remplir les vides laissés par le législateur, car les procédures judiciaires sont encore plus longues que les procédures administratives ! Ne tombons pas de Charybde en Scylla.

Oui, il faut encourager la participation des salariés. Je suis plus nuancé sur l'intéressement qui me paraît une forme de salaire comme une autre, qui devrait donc supporter des charges proches de celles pesant sur les autres éléments de salaire.

S'agissant du crédit impôt recherche, je redis qu'il y a plus d'avantages à le stabiliser qu'à chercher sans cesse à le perfectionner. On réforme ainsi la taxe professionnelle depuis seize ans. Je ne suis pas certain que cela ait été une réussite…

Je ne dresserai sans doute pas la même typologie des syndicats que Jean-Louis Beffa. Ce que je sais d'expérience est qu'un dialogue, ouvert et de bonne foi de part et d'autre, est possible sur tous les problèmes avec les syndicats. On entend souvent déplorer le manque de représentativité des syndicats français. C'est une erreur que de se fonder seulement sur le nombre des militants. Le taux de participation aux élections professionnelles dans les grandes entreprises est très élevé, preuve que les salariés ont confiance dans les syndicats pour défendre leurs intérêts. Et les syndicats ont envie de dialoguer de manière constructive avec les dirigeants des entreprises.

Y a-t-il encore un avenir pour les usines en France ? Oui, car il n'est pas économiquement rationnel d'en fermer une ici pour en construire une autre dans un pays à bas coût de main-d'oeuvre – en tout cas dans le secteur automobile, que je connais bien. Ce qu'il faut éviter est de créer de nouvelles capacités au lieu d'utiliser au mieux celles qui existent. J'ai expliqué comment une certaine flexibilité pouvait y pourvoir. Nécessaire en phase ascendante de cycle pour répondre à la demande, elle évite la création de nouvelles usines à l'étranger qui, à terme, dans les creux conjoncturels, condamne les usines françaises.

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