Intervention de Amiral Gilles Humeau

Réunion du 24 mai 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Gilles Humeau, commandant adjoint de l'opération Sophia :

C'est une question que je vous propose de poser à l'agence Frontex. Ce sujet excède notre champ de compétence et je ne suis donc pas fondé à vous répondre.

S'agissant des moyens libyens qui n'auraient pas tous été détruits en 2011, les données dont nous disposons aujourd'hui sont incertaines et fluctuantes en fonction des sources. Ce qui est certain c'est que de tels moyens existent encore mais que leur état est pour le moins douteux et que – et sur ce point je suis catégorique – leur capacité opérationnelle est extrêmement faible. Si nous voulons pouvoir compter sur des équipages de bateaux libyens quels qu'ils soient, il est absolument nécessaire de renforcer leur capacité opérationnelle. Si nous ne faisons pas ce travail, il faudra venir travailler au plus près des côtes.

Dès lors, et vous avez parfaitement raison de le souligner, la menace résiduelle susceptible d'être brandie contre nous à partir de la côte est un sujet d'intérêt et de préoccupation majeurs, ce qui justifie l'importance cruciale que nous accordons à la recherche de renseignements fiables, y compris à terre. En effet, il est aujourd'hui peu crédible d'envisager l'envoi d'unités de combat pour des opérations à l'intérieur des eaux territoriales – y compris des opérations de sauvetage de migrants en détresse –, faute de savoir ce qu'il y a effectivement en face. Le militaire européen que je suis espère que lorsque les politiques européens lui demanderont d'accomplir cette tâche, nous pourrons bénéficier de renseignements nationaux qui sont beaucoup plus complets que ceux dont nous disposons à l'échelle européenne.

Enfin, vous avez soulevé le problème fondamental de la sélection des candidats que nous serions amenés à former. Je suis entièrement d'accord avec vous et je vous précise à ce sujet que, parmi les recommandations que l'état-major de Sophia à Rome a faites aux autorités européennes dans la préparation de la revue stratégique de l'opération, le processus de sélection constitue un élément-clé. Former des personnes qui pourraient se retourner contre nous est un risque que l'on ne peut courir. D'où ces gens viennent-ils ? Quels sont leurs antécédents ? Quel est leur niveau de formation ? Quel est leur degré de loyauté vis-à-vis du gouvernement d'union nationale ? Autant de questions qui doivent être résolues, mais pour lesquelles le militaire que je suis a peu de légitimité pour vous répondre. En revanche, il existe d'autres critères sur lesquels nous devons naturellement nous prononcer, comme par exemple ce que nous attendons techniquement des personnes qui seront envoyées en formation. À l'issue du programme de formation qui durera quelques semaines, il faudra que ces personnes soient fiables et employables en mer. La liste des candidats qui sera établie par le gouvernement légitime libyen est une donnée que nous devrons accepter en l'état. Toutefois, nous recommandons aux politiques européens de passer cette liste au crible d'Europol, d'Eurojust, de Frontex ou d'autres organismes relevant des États membres et possédant des informations sur le passé de ces personnes, de manière à éliminer de la liste ceux qui ne paraîtront pas fiables.

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