Vous touchez là un point à la fois délicat et douloureux. J'ai été personnellement confronté à une telle situation il y a 15 jours à bord du Cavour. Un bateau de migrants s'est signalé en détresse à un peu plus de 12 milles nautiques des côtes libyennes, à l'extérieur donc des eaux territoriales. Après confirmation du signal par le centre de coordination des secours en mer (MRCC) italien, le commandant de la force a dépêché l'Enterprise pour intervenir. Le temps qu'il arrive, l'embarcation avait dérivé pour se retrouver à sept ou huit milles nautiques des côtes, donc à l'intérieur des eaux territoriales. L'Enterprise est alors resté à l'extérieur des eaux territoriales. En revanche, en coordination avec le centre de recherche et de sauvetage en mer italien, nous avons fait en sorte de trouver un bateau civil, non soumis aux contraintes diplomatiques qui s'imposent aux navires militaires, et susceptible d'intervenir. C'est donc un navire commercial qui a été dérouté sur zone – car le trafic maritime vers Tripoli se maintient – et qui a été chargé de conduire cette opération de sauvetage. Ce qui est douloureux c'est que, naturellement mais en l'occurrence malheureusement, ces navires civils – cargos, porte-conteneurs – ne sont pas du tout adaptés à ce genre de mission. Or, en l'espèce, aucun navire affrété par une organisation non-gouvernementale ne se trouvait à proximité du drame. Aussi, vous l'avez peut-être appris par les médias, si 26 personnes ont pu être sauvées, entre 70 et 80 migrants sont probablement morts.