Intervention de Karine Guillaume

Réunion du 26 mai 2016 à 11h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Karine Guillaume, directrice de la Brigade Nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, BNVP, à la Direction générale de l'alimentation :

La Brigade Nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, dont je suis la directrice depuis le 1er janvier 2016, est un service de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt ; elle est directement rattachée au directeur général de l'alimentation.

Dotée d'une compétence territoriale nationale, la Brigade a été créée en 1992, dans le contexte de la lutte contre les anabolisants présents dans les viandes. À l'origine, son activité était donc orientée vers la lutte contre le trafic des substances interdites et des médicaments vétérinaires ; elle s'est ensuite étendue aux fraudes à l'identification des animaux, et notamment au trafic des carnivores domestiques. D'abord axée sur le domaine vétérinaire, elle intervient dans le domaine phytosanitaire depuis 2002 ; de ce fait, les produits phytopharmaceutiques et la santé végétale entrent également dans son champ de compétence. De fait, la BNVP intervient désormais dans tous les domaines qui relèvent de la DGAL et, ainsi, dans un nombre croissant de domaines techniques.

Nos missions sont précisées par un arrêté ministériel du 30 juillet 2008, qui porte organisation et attributions de la DGAL. Elles se déclinent en trois volets.

La lutte contre la délinquance sanitaire et phytosanitaire organisée représente 80 % de nos missions. Nous réalisons des enquêtes qui visent à rechercher et constater les infractions afin de traduire en justice leurs auteurs. Nous apportons également notre concours aux autorités judiciaires, aux autorités de police et aux administrations qui participent à cette lutte.

À l'origine, l'action de la Brigade visait principalement à faciliter les contrôles lorsque les trafics concernaient plusieurs départements – ce qui était fréquent dans le cas de trafic d'anabolisants. Puis la Brigade a pris peu à peu en charge les demandes des autorités judiciaires, et intervient désormais en appui des services judiciaires pour la réalisation des enquêtes.

La Brigade peut être requise pour assurer un appui technique aux autorités judiciaires et aux enquêteurs, en tant que « sachant » – c'est du reste le cas dans les dossiers qui concernent plus directement votre commission d'enquête. Elle peut également être elle-même à l'origine de l'ouverture d'un dossier destiné aux autorités judiciaires, suite à un signalement des services locaux ou à une enquête administrative.

À titre d'information, de 2005 à 2015, la Brigade a pris en charge 438 signalements judiciaires ; 168 sont actuellement jugés, 175 ont été transmis à la justice et sont encore en cours d'instruction.

La deuxième activité de la BNVP consiste à réaliser des enquêtes administratives, à la demande de la DGAL. En effet, compte tenu de la compétence des agents, de leur connaissance des filières à l'échelle nationale et de leur vision pragmatique, nous sommes mis à contribution pour des enquêtes qui peuvent aussi bien porter sur des enjeux sanitaires que sur des problèmes d'épidémiologie ou des études de filières. Des enquêtes administratives ont ainsi été diligentées dans le secteur de la viande hachée, ou sur la traçabilité de la filière coquillage. Tout récemment, la découverte d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a justifié une enquête administrative afin d'en découvrir l'origine ; elle a été confiée à la Brigade, en coopération avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Entre 2005 et 2015, la BNVP a effectué 77 enquêtes administratives.

Notre troisième mission consiste en un appui technique aux services de contrôle sanitaire. En cas de crise sanitaire, nos agents peuvent, dans la mesure de leurs moyens, venir aider les services déconcentrés sur une partie du plan de lutte, dans un cadre évidemment limité, dans l'attente de l'intervention d'autres services : nos effectifs, vous l'avez indiqué, se limitent à seize agents. Les services de contrôle peuvent également demander l'appui d'un agent spécialisé de la brigade pour des questions techniques.

Enfin, la BNVP réalise elle-même tous les ans un certain nombre d'enquêtes, notamment dans les domaines phytopharmaceutiques. En 2015, vingt-trois contrôles administratifs d'entreprises de distribution ont ainsi été réalisés à l'initiative de la Brigade, en concertation avec les services régionaux de l'alimentation.

Les seize agents qui constituent la Brigade sont des vétérinaires, des ingénieurs ou des techniciens. Nos bureaux sont installés à Rungis, avec des agents basés à Dijon, Toulouse, Lyon et Nantes. Il s'agit d'agents mobiles, capables d'intervenir en tout lieu et en tout temps. Du fait de leur pouvoir de police administrative et de leur pouvoir judiciaire spécialisé, ils sont juridiquement habilités pour intervenir sur tout le territoire national. Lorsqu'ils agissent dans le cadre d'une enquête judiciaire, ils le font sous l'autorité du magistrat compétent. C'est le cas pour les trois enquêtes qui vous intéressent.

LA BNVP se caractérise par une forte réactivité, sa capacité à intervenir en tous lieux et en tout temps, mais aussi par sa liberté d'action : nous ne sommes ni un service départemental ni un service régional, ce qui nous dégage des contextes locaux. Par ailleurs notre structure est institutionnellement bien reconnue, en France comme à l'étranger.

Je voulais également insister sur le fait que nous travaillons en réseau, avec les services départementaux et régionaux, ainsi qu'avec les services d'enquête de la police ou de la gendarmerie, les douanes ou les services judiciaires.

Nos agents possèdent une expertise dans le domaine pénal et un savoir-faire dans les relations avec les autorités judiciaires. Ils ont par ailleurs été recrutés pour des compétences techniques affirmées dans des domaines spécialisés, après une expérience professionnelle dans des services départementaux ou régionaux. C'est en grande partie la clef de notre efficacité.

Nous intervenons dans le domaine phytosanitaire, pour traquer notamment le détournement d'usage de produits phytopharmaceutiques, les contrefaçons ou la mise sur le marché de produits sans autorisation de mise sur le marché. Dans le domaine vétérinaire, nous intervenons lorsque sont en jeu la sécurité sanitaire des aliments, la protection animale, la santé animale – en cas de tuberculose ou d'influenza aviaire, par exemple –, mais également la pharmacie vétérinaire, l'alimentation animale et l'utilisation de substances interdites.

Nos enquêtes portent donc sur des sujets très variés, et nous conduisent à intervenir dans les abattoirs. Cela a pu être le cas lors d'une enquête qui portait sur la commercialisation de viande contaminée par des salmonelles, à la suite de la dissimulation du résultat des prélèvements d'autocontrôle obligatoires, ou encore à la suite d'un signalement concernant des chevaux présentés à l'abattoir avec des documents d'accompagnement falsifiés.

En ce qui concerne la protection animale, nous avons récemment enquêté dans un couvoir, sur des procédures d'euthanasie de poussins qui n'étaient pas conformes. Nous intervenons également régulièrement, en concertation avec les pouvoirs de police et de gendarmerie, dans des élevages de chiens ou sur des sites de vente de chiens et chats entretenus dans de mauvaises conditions. Nous avons été conduits à ordonner des retraits d'animaux, qui ont été confiés à des associations de protection animale. Nous avons également enquêté, il y a quelque temps, sur un transport de truies qui s'effectuait dans de mauvaises conditions. Suite à l'enquête, le transporteur et le responsable du centre de rassemblement ont été poursuivis.

Concernant les abattoirs d'Alès, du Vigan, et de Mauléon-Licharre, l'association L214 a porté plainte. Chaque procureur a ouvert une enquête préliminaire, confiée à la brigade de recherche de la gendarmerie, et requis les agents de la Brigade en tant que « sachants ». Il ne leur a pas été demandé d'apporter un jugement, mais d'étudier les vidéos, de relever les infractions constatées et de préciser si, sur le plan réglementaire, elles s'apparentent à des contraventions ou à des délits. Ils ont également pour mission d'étudier la plainte écrite envoyée par l'association afin de comparer les infractions relevées par l'association à celles qu'ils ont eux-mêmes répertoriées à partir des bandes. Sur les heures de films qu'ils ont visionnés, ce qui représente un énorme travail, les agents ont estimé qu'il leur était difficile d'estimer l'état de conscience ou d'inconscience des animaux lors des différentes opérations. Les vidéos ont donc également été présentées à des experts, spécialistes des états de conscience chez les animaux, afin de recueillir leur avis et de pouvoir être le plus factuel possible dans le relevé des différentes infractions.

Enfin, dans leur rôle de sachants, les membres de la Brigade ont également vocation à aider les services d'enquête dans la préparation des auditions et l'exploitation des scellés, c'est-à-dire des documents saisis lors des perquisitions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion