Intervention de Pascal Eve

Réunion du 26 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Pascal Eve, conseiller fédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens Agriculture, CFTC-AGRI :

Il est certain qu'il ne devrait pas y avoir de différence entre les abattoirs. Nous espérons tous que les petits abattoirs pourront continuer à exister. C'est mieux pour l'économie de nos petites villes. Les petits abattoirs municipaux sont utiles pour l'économie locale, même si les grosses structures aimeraient très certainement qu'ils disparaissent.

Vous nous demandez comment réagissent nos entreprises lorsqu'on les alerte sur les cadences excessives. Leur discours est toujours économique : plus on produit dans un temps donné, plus l'entreprise gagne de l'argent. Mais, au bout du bout, ce n'est pas toujours vrai. Il faut tenir compte des aléas : plus les matériels fonctionnent, plus les pannes sont récurrentes. Au final, l'entreprise ne gagne pas davantage. Il fut un temps où l'on pensait que plus on produisait, plus on gagnait d'argent : c'était une erreur. Et en plus, on a esquinté les salariés.

Bien entendu, tout le monde devrait être formé au bien-être animal. Comment un responsable digne de ce nom pourrait-il imposer à un salarié de respecter le bien-être animal si lui-même n'a pas été formé ou ne connaît pas le sujet sur le bout des doigts ? C'est une évidence : tout le monde doit être formé, le responsable de proximité comme le grand responsable.

L'abattage sans étourdissement est un dossier épineux. Chez nous, on en fait malheureusement beaucoup – entre 300 et 500 bêtes par jour. Comme on ne peut pas assommer l'animal, l'entreprise a trouvé une alternative en réduisant les cadences de plus de moitié : on traite trente bêtes à l'heure au lieu de quatre-vingts bêtes, ce qui permet à l'animal de saigner correctement. Ce que je vais dire est assez cru, mais c'est ce que nous vivons tous les jours : mon entreprise a demandé à pouvoir mettre immédiatement un coup de couteau au niveau de la moelle pour que l'animal souffre le moins possible. Ce procédé est en cours de négociation : certaines mosquées acceptent, mais d'autres ne veulent même pas en entendre parler ; c'est une négociation permanente. Les salariés détestent très clairement ce mode d'abattage. Les représentants du personnel que nous sommes s'insurgent contre cette façon de faire, mais à chaque fois on nous remet l'aspect économique sur la table : cela reste des clients avec lesquels on travaille et qui nous permettent de gagner encore un peu d'argent. Les délégués du personnel se sont opposés à cette méthode. Mais il arrive un moment où l'on ne peut plus aller contre, dans la mesure où cela peut représenter la moitié de notre production journalière. Nous avons fini par nous incliner : nous sommes tous là pour que notre entreprise et les salariés gagnent de l'argent…

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