Intervention de Richard Ferrand

Réunion du 31 mai 2016 à 18h00
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, président-rapporteur :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la publication le 22 mars dernier du rapport d'étape n'a pas mis fin aux travaux de notre mission d'information, bien au contraire.

Je note que, en un peu plus de deux mois, la mise en oeuvre de la « loi Croissance » a continué à progresser de manière satisfaisante. À la date de publication de notre rapport d'étape, je rappelle que 56 % des dispositions nécessitant des mesures d'application étaient applicables. Aujourd'hui, ce taux d'application est passé à 76 %. Désormais plus de 87 % des articles de la loi sont applicables.

Le travail gouvernemental n'est donc pas terminé et c'est pourquoi nous sommes heureux d'accueillir ce soir M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux et ministre de la justice. Pour être totalement transparent, nous aurions souhaité que cette audition ait lieu plus tôt mais l'examen en première lecture à l'Assemblée du projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle », tant en commission qu'en séance publique, ne l'a pas permis.

Dès lors, cette audition intervient alors que trois décrets importants et attendus ont été publiés la semaine dernière. Ces trois décrets appellent de notre part un certain nombre de remarques.

D'abord, une grande satisfaction. C'est suffisamment rare pour que l'on puisse le souligner. Le décret du 20 mai 2016 relatif à la réforme de la procédure prud'homale a apporté une réponse positive à une remarque que nous avions eu l'occasion de faire auprès du Premier ministre, de votre prédécesseure et de vous-même, dans un courrier que je vous avais spécifiquement adressé le 8 mars dernier. Je veux parler de la nullité qui pourra désormais être prononcé pour les saisines qui ne satisferaient pas aux nouvelles exigences de formalisation de celles-ci.

Si l'on ajoute le fait que le Gouvernement a accepté, dans le cadre de la « loi Travail », un amendement prévoyant la possibilité pour le juge de décider la clôture de l'instruction, ce sont les deux suggestions fortes formulées par notre collègue Denys Robiliard qui ont été retenues. Tous ceux qui sont attachés à la réussite de la réforme prud'homale peuvent s'en féliciter.

Est paru également le 25 mai le décret sur l'installation des officiers publics ministériels. Ce décret n'offre pas de grandes surprises par rapport au projet qui nous avait été transmis. Je note avec satisfaction que l'exigence pour les nouveaux notaires de suivre un stage de formation à la gestion d'un office a été supprimée comme nous l'avions suggéré.

Le mécanisme de l'horodatage, que l'on peut résumer trivialement comme le principe du « premier arrivé – premier servi », est confirmé. Cependant, a été introduit une hypothèse de tirage au sort dont nous n'avons pas tout à fait mesuré les conditions d'application. En effet, ce tirage au sort est mis en oeuvre quand le nombre de candidatures dépasse celui des créations proposées au bout de seulement 24 heures, alors que le portail où les candidatures doivent être déposées est ouvert pendant dix-huit mois.

Je note également avec satisfaction que ce décret évoque la nécessité de mettre en place un mécanisme de validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les clercs de notaire habilités, mise en place que nous avions demandé car elle nous semble indispensable pour traiter le cas des 1 300 clercs habilités qui ne remplissent ni les conditions pour être nommés notaire ni ne sont titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l'Institut des métiers du notariat.

Cependant, s'agissant des clercs habilités, c'est peu dire que l'amendement, que le Gouvernement a fait adopter dans le cadre du projet de loi « Justice du XXIème siècle », reportant au 31 décembre 2020, au lieu du 1er août 2016, la date de fin de validité de l'habilitation des clercs habilités avant le 1er janvier 2015, suscite de notre part surprise et, pour tout dire, un certain nombre de réticences.

Enfin, a également été publié le 25 mai dernier le décret sur les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, disposition de la loi à laquelle notre collègue Cécile Untermaier est fortement attachée.

Ici, force est de reconnaître qu'aucune de nos remarques n'a été retenue par le Gouvernement. Les candidatures resteront soumises, d'abord, à l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de Cassation et du procureur général auprès de celle-ci, puis au classement opéré par une commission présidée successivement par un membre du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou du Parquet général de celle-ci. Manifestement, notre sentiment est que l'entre-soi qui prévaut au sein de cette profession risque de survivre à la réforme. Le dispositif retenu nous paraît assez éloigné de l'esprit de la loi et de l'intention que nous avions de réformer aussi cette profession ou, à tout le moins, l'accès à celle-ci.

Voici monsieur le ministre, les points que je souhaitais aborder en préambule. Mais avant de vous céder la parole et ensuite à mes collègues, je souhaiterai vous poser quelques questions plus précises.

S'agissant du calendrier de l'entrée en vigueur du dispositif relatif aux professions réglementées, lors de son audition par la mission d'information, le 10 février 2016, le président de l'Autorité de la concurrence et la rapporteure générale ont indiqué avoir pour objectif de proposer la carte définissant les zones dites de « libre installation » au mois de mai. Pourriez-vous nous donner des précisions quant à la date de la proposition de carte de l'Autorité de la concurrence ? Il restera alors au Gouvernement à prendre un arrêté sur le fondement de cette proposition. Combien de temps cela prendra-t-il pour arrêter cette carte une fois qu'elle vous sera proposée ? Dès lors, pourriez-vous nous dire à quelle date il sera possible pour les candidats à l'installation de s'installer effectivement ? Autrement dit, quand pourront-ils « poser leur plaque » ?

Le décret fixant les conditions d'installation des officiers publics et ministériels a été publié le 25 mai. À sa lecture, on comprend que les recommandations dont la carte est assortie fixent des limites du nombre d'offices à créer par zone. Pourriez-vous confirmer cette interprétation ?

Concernant les clercs habilités, le législateur a supprimé la possibilité d'habiliter des clercs pour faciliter l'accès au notariat. Il a toutefois prévu que les clercs habilités avant la promulgation de la loi conservent leur habilitation jusqu'au 1er août 2016, de manière à les intégrer progressivement dans la profession de notaire grâce à des dispositifs de validation des acquis de l'expérience. En cohérence avec cette disposition, le législateur a décidé de remplacer provisoirement la règle du « un notaire associé ou titulaire pour au plus deux notaires salariés » une règle du « un pour quatre », dont les effets expirent au 1er janvier 2020 selon l'article 59 de la loi.

Le Gouvernement a en effet créé des dispositifs de validation des acquis de l'expérience par le décret du 20 mai 2016. Toutefois, parallèlement, le Gouvernement, a déposé un amendement au projet de loi sur la « Justice du XXIème siècle », pour repousser au 31 décembre 2020 la date de fin de fin des effets de l'habilitation des clercs qui avaient été habilités avant le 1er janvier 2015, soit plus de quatre ans après la date prévue par la « loi Croissance » et une année après l'extinction de la règle du « un pour quatre ».

Pourquoi vouloir repousser la date de fin d'habilitation des clercs habilités ? S'agit-il d'une volonté de la part du Gouvernement de tenir compte de la pyramide des âges des clercs habilités ou y a-t-il d'autres explications ? Cette disposition ne risque-t-elle pas d'avoir l'effet pervers de retarder la nomination de clercs habilités répondant déjà aux conditions pour être nommés notaires ? Comment le prévenir ? Au cas où il serait nécessaire de prolonger les effets de l'habilitation des clercs habilités, ne conviendrait-il pas d'aligner la date de la fin des effets de l'habilitation des clercs sur la date de la fin de la règle du « un pour quatre », c'est-à-dire au 1er janvier 2020 et non pas au 31 décembre ?

La question de la gestion du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) par les greffiers des tribunaux de commerce semble susciter quelques difficultés. L'article 60 de la « loi Croissance » a prévu la transmission par les greffiers des tribunaux de commerce des données du RNCS à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) par voie dématérialisée. Il s'agit, par cette disposition, de faciliter l'accès du public à ces données. Le décret d'application a été publié. La plateforme dématérialisée de redistribution gratuite des données est prête. La loi est applicable, mais, d'après certaines informations qui nous sont parvenues, certains greffiers auraient arrêté de transmettre les archives électroniques du RNCS depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté tarifaire les concernant. Voilà une grève dont on parle moins que les autres ! Cet arrêt posera très rapidement problème pour les entreprises, puisque l'archivage centralisé de l'INPI est désormais incomplet. Disposez-vous, monsieur le ministre, d'informations précises à ce sujet ? Comment envisagez-vous remédier à cette situation, le cas échéant des injonctions, voire des sanctions pourraient-elles être prises ?

Enfin, du fait de dysfonctionnements majeurs dans la gestion du registre du commerce et des sociétés (RCS) par les tribunaux de commerce dans les départements d'outre-mer, l'article 60 de la loi prévoyait que, à titre expérimental, le RCS soit géré par les chambres de commerce et d'industrie dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, à partir du 1er janvier 2016 au plus tard. Or, la mise en place de cette expérimentation nécessite l'intervention d'une convention entre le ministère de la justice et les chambres de commerce et d'industrie compétentes. Cette convention est-elle signée ? Si elle ne l'est pas, quand le sera-t-elle afin que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais ?

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