Il n'est pas évident qu'une digue entretenue résiste aux courants les plus puissants, mais il est certain qu'une digue laissée à l'abandon cédera aux forces contraires. Notre tradition républicaine et humaniste nous permet de prétendre à ce que le sort des plus faibles d'entre nous ne soit jamais balayé d'un revers de main.
Notre majorité a contribué à ce que les plus modestes bénéficient de l'attention qu'ils méritent, en mettant en oeuvre le plan de lutte contre la pauvreté, qui agit aux racines du phénomène : le non-recours aux droits, souligné par notre rapporteur, le manque d'accompagnement ou de formation, l'isolement face aux accidents de la vie. Les politiques d'accès à l'emploi, aux soins, à l'éducation, au logement et les aides aux familles tiennent désormais pleinement compte de la nécessité de s'adresser aux personnes les plus fragiles.
La digue est donc a priori solide, mais les courants et les influences contraires sont puissants, et les périodes de transition, voire de crise, comme celle que nous vivons, sont propices aux rapaces ou aux personnes mal intentionnées : l'occasion est trop belle de jouer le fort contre le faible, le sachant contre le non-sachant, le possédant contre le dépossédé. Celui qui est au chaud a toujours eu l'avantage sur celui qui a froid ; il revient aux politiques de corriger cet écart par une adaptation permanente du droit aux évolutions de notre société.
L'intégration au code pénal de la précarité sociale comme nouveau critère de discrimination et la ratification du Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales répondent à cette nécessité. Les nombreuses discriminations dont ATD Quart Monde et d'autres associations ont fait état lors des auditions conduites par le rapporteur, les situations que nous rencontrons sur le terrain ou dont on nous fait part dans nos permanences trouvent un écho dans l'article unique – mais essentiel – de la proposition de loi. Il est temps que la « particulière vulnérabilité résultant de [l]a situation économique, apparente ou connue » entre dans notre code pénal. À cette fin, je vous invite tous à voter sans modification cet article de loi.