Intervention de Yann de Kerguenec

Réunion du 17 mai 2016 à 18h15
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Yann de Kerguenec, directeur juridique de l'Ordre national des infirmiers :

Un autre point qui est en lien avec ces problématiques : le rapport de la Cour des comptes rappelle qu'une bonne partie de l'hospitalisation à domicile, ce sont les pansements complexes pour 25 %. C'est un champ d'activité qui relève aussi de la compétence des infirmiers libéraux. Lorsqu'on prend une approche régionale, on constate que dans la région Languedoc-Roussillon, qui connaît le plus fort taux d'infirmiers libéraux grâce à l'héliotropisme, l'activité des pansements complexes en HAD représente 31 % de l'activité totale. On peut estimer que dans un tel cas de figure il y a concurrence entre les acteurs et une certaine inadaptation de l'offre aux besoins. C'est d'autant plus surprenant que la région Languedoc-Roussillon est pionnière dans le développement de la télémédecine pour les pansements complexes dans un cadre légal que vous avez voté à l'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Financée par l'assurance maladie, il s'agit d'une téléconsultation en lien avec des infirmières libérales et du personnel hospitalier de Montpellier qui se rendent au domicile des patients et utilisent des tablettes permettant de montrer l'état de la plaie et son évolution. Ce dispositif, expérimenté dans neuf régions, dont la Basse-Normandie d'ailleurs, coûte 28 euros la consultation en plus des soins infirmiers. Il a vocation à se généraliser, à partir de ces régions pionnières qui ont acquis une véritable expérience en la matière. Dans ce cas, on peut vraiment se poser la question de la pertinence de l'HAD. Il peut y avoir des cas où on a besoin de plusieurs intervenants dans lesquels l'infirmier libéral s'il n'a pas l'appui d'un SSIAD avec un aide-soignant ne pourrait pas intervenir et l'HAD est dans son rôle. Il existe aussi des plaies, tumorales par exemple, qui peuvent justifier, par leur complexité et le risque qu'elles présentent, le recours à l'HAD.

Cela nous amène à penser qu'il y a dans certains cas un dévoiement, qui s'appuie sur un dogme relayé par la DGOS qui donne des objectifs aux ARS, lesquelles donnent des objectifs aux prescripteurs en matière d'HAD. Faire du chiffre conduit à une solution qui n'est pas optimale alors que les patients pourraient être pris en charge à un moindre coût avec une coordination de ville entre SSIAD et infirmiers libéraux, ce qui est la préoccupation de la MECSS. Ce qui nous inquiète beaucoup, ce que ces inadéquations ont tendance à crisper les acteurs et l'Ordre voit remonter des plaintes ou des demandes sur la façon d'agir par rapport aux conventions conclues avec l'HAD, certains voulant les dénoncer parce qu'ils estiment que cette dernière prend des soins qui pourraient relever des infirmiers. Cela pourrait avoir un autre effet néfaste qui serait pour les infirmiers d'abandonner des soins techniques, alors que c'est leur rôle principal, pour se tourner vers le nursing comme cela se passe dans le Sud de la France où les infirmiers libéraux sont très nombreux. Cette inadéquation des ressources et cette désorganisation du système nous semblent dommageables. Il faut aussi ajouter que les infirmiers libéraux ont l'impression qu'il y a une captation de leurs patients à la sortie de l'hôpital : il arrive que les infirmiers libéraux passent devant le domicile d'un patient et voient un véhicule de l'HAD. Cela peut se justifier mais on retrouve ici un problème plus général sur les liens entre l'hôpital et la ville, l'absence de fiche de liaisons, etc.

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