Intervention de Gérard Rameix

Réunion du 31 mai 2016 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Je ne pourrai apporter aujourd'hui de réponse à toutes vos questions. La Préfon, par exemple, n'entre pas dans notre champ de compétence : je n'ai donc pas d'avis sur ce point.

En ce qui concerne le Forex, cependant, il s'agit d'une bataille très compliquée, car il y a trois facteurs de perte. Nous régulons déjà certains prestataires, en donnant des agréments à des entreprises établies en France et proposant des produits binaires ou des investissements sur le Forex. Mais ces produits sont dangereux et une étude assez poussée que nous avons réalisée montre que, même auprès d'un prestataire sérieux, régulé de façon sérieuse, un client a 90 % de risques de perdre sa mise. On ne peut, en l'occurrence, se contenter d'opposer prestataires sérieux et acteurs malhonnêtes : il s'agit avant tout d'un problème de commercialisation. Une partie du public doit éviter de toucher à ces produits, car, même avec un prestataire sérieux, il risque de tout perdre. Certes, je comprends l'argument : si j'étais à la tête d'un établissement vendant de façon sérieuse ces produits en France, je serai gêné que l'AMF recommande qu'on ne les commercialise pas auprès du grand public et qu'on les réserve aux investisseurs avertis ou professionnels. Mais la vérité est qu'il ne faut pas vendre un produit qui, dans neuf cas sur dix, conduit à une perte, et sans aucun effet d'apprentissage.

Je suis moins pessimiste que M. de Courson en ce qui concerne l'efficacité de la rédaction actuelle du projet de loi. Certes, même enrichi par le Parlement et malgré les gros progrès qui ont été faits, ce n'est pas l'arme absolue. Mais, dans certains cas, après avoir répondu à une annonce vue sur internet, des personnes subissent un démarchage téléphonique agressif de la part d'escrocs qui leur extorquent leur numéro de carte de crédit et les convainquent de verser 5 000 ou 10 000 euros, puis d'en ajouter encore, alors même qu'ils n'ont pas placé les premières sommes, mais les ont purement et simplement siphonnées. Cela relève de procédures pénales : une enquête est en cours, ouverte il y a des mois par Benoît de Juvigny. Le projet de loi nous aidera à limiter les dommages. Nous pourrons toucher ces plateformes, même si nous sommes conscients que certaines passeront à travers des mailles du filet, en nous adressant aux professionnels de l'internet qui diffusent leurs publicités.

Un dispositif permet déjà d'établir la preuve du sérieux des prestataires. La régulation européenne prévoit ce que l'on appelle product intervention, sur lequel l'ESMA fait actuellement des commentaires. Dès l'année prochaine, nous aurons la possibilité de limiter la commercialisation des produits qui ne sont pas adaptés au public. Même si tout n'est pas parfait, je pense qu'il faut nous donner ces outils supplémentaires.

Je ne partage pas non plus le pessimisme de ceux qui pensent que nous ne trouverons jamais la bonne catégorie de contrat. Je pense au contraire que nous trouverons le mécanisme adapté. Par exemple, les produits à levier, dont la perte peut dépasser la mise, entrent certainement dans ce cadre. Nous ne résoudrons pas tous les problèmes, il y aura toujours quelqu'un pour trouver une faille et l'exploiter. Mais j'ai visité le site internet du Paris Saint-Germain, et, en trois clics, on me demandait mon numéro de carte bleue pour miser sur le Forex. De telles choses ne seront plus possibles si l'article 28 du projet de loi est adopté.

Avec plusieurs collègues, j'ai milité pour que le président de l'ESMA se saisisse de ce dossier, et une coopération intéressante s'est mise en place. Des opérateurs sérieux sont enregistrés en France, au Royaume-Uni ou en Belgique, mais la plupart le sont à Chypre. Nous avons fourni une liste de sites chypriotes qui commercialisaient leurs produits en Belgique, en Allemagne, en Espagne et en France. Notre collègue chypriote nous a d'abord répondu que la crise chypriote avait absorbé tous ses efforts et qu'elle avait travaillé sur les banques ; lorsqu'elle a pu se mettre au travail, elle a infligé une sanction de 250 000 euros en moyenne à neuf des dix sites que nous lui avions signalés. Ce n'est pas beaucoup à l'échelle de ce que gagnent ces sites, et c'est sans doute pour cela qu'ils ont accepté facilement des transactions ou des pénalités. Mais c'est tout de même important, car un site qui est régulé à Chypre dispose d'un passeport européen obligeant la France à le considérer comme un opérateur sérieux. Avec le dispositif législatif proposé, nous pourrons prévoir que ces opérateurs peuvent vendre en France, mais uniquement à des professionnels, pas au grand public. Or c'est le grand public qui les intéresse le plus.

Le projet de loi n'est donc pas parfait et ne permettra pas de régler 100 % des problèmes, mais c'est un net progrès.

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