Intervention de Gérard Rameix

Réunion du 31 mai 2016 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Les pertes s'élèvent au minimum à une centaine de millions d'euros. En prenant plusieurs années en compte et en calculant largement, le procureur de Paris est allé jusqu'à 4 milliards. La situation est comparable en Allemagne, en Belgique et en Espagne, et les régulateurs de ces pays sont très préoccupés.

Des amendes de 250 000 ou 300 000 euros ne sont donc pas considérables, mais ce n'est pas sans effet. Par exemple, nous pouvons dire aux clubs de football que leur partenaire, dont le nom est imprimé sur les maillots de l'équipe, a été sanctionné par le régulateur chypriote, ce qui leur déplaît. J'utilise les moyens à ma disposition.

Nous discutons aussi avec nos collègues israéliens, car un certain nombre de Chypriotes louent des locaux en Israël pour y installer des plateformes téléphoniques qui essaient de placer des produits en France et dans les pays de l'Union européenne.

Nous travaillons avec l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), et nous avons déjà engagé des procédures judiciaires pour faire interdire certains sites. Elles sont efficaces, mais le juge nous demande de n'en présenter qu'un petit nombre, pour qu'il ait le temps de les étudier. Et, très souvent, le site renaît le lendemain sous un autre nom. L'ARJEL a une longueur d'avance sur nous et dispose d'outils que nous n'avons pas. Nous serions plus efficaces devant la justice si nous pouvions utiliser les mêmes techniques juridiques qu'eux.

C'est par la convergence de moyens à des niveaux différents que nous procédons : dialogue avec Chypre, interdiction de commercialisation et pression dans les médias. Nous avons fait un énorme effort de communication, mais, malheureusement, les personnes qui sont démarchées téléphoniquement ne sont pas celles qui lisent Les Échos ou qui écoutent BFM.

Je vous remercie de votre soutien, mais je pense qu'un label de sérieux ne réglerait pas le problème, à cause du passeport européen, et parce que, même avec quelqu'un de sérieux, on perd son argent.

Il n'y a pas de tensions avec le parquet national financier : ce sont les journaux qui aiment nous opposer. Le seul problème, tant pour le parquet national financier que pour nous, c'est l'efficacité de la réponse pénale lorsque nous transmettons au parquet un dossier d'abus de marché significatif, bien étayé par nos enquêteurs. Lorsque nous passons la main, le juge pénal peut-il obtenir une transaction, une reconnaissance préalable de culpabilité ou une citation directe devant le tribunal correctionnel ? Et, en cas de passage par un juge d'instruction, ce dernier pourrait-il être suffisamment diligent pour soumettre l'affaire au tribunal après quelques mois ? Si aucune de ces solutions n'est possible, des affaires difficiles vont durer, et nous lirons des articles de presse inquiétants pour le public faisant état de présomptions de malversations sans que des sanctions soient prononcées. Mais cette question ne soulève pas de tensions entre l'AMF et le parquet financier.

Le Conseil constitutionnel a décidé qu'il ne devait plus y avoir qu'une seule procédure de répression. C'est chose faite, et il faut que la procédure soit efficace dans tous les cas. Si une sanction pénale fait suite à un rapport de l'AMF, nous n'en ressentirons aucune frustration : lorsque, au terme d'une enquête, nous concluons à la culpabilité d'une personne, peu importe que la sanction soit pénale ou prononcée par l'AMF. Mais il faut qu'elle soit en rapport avec la culture du marché : le montant de l'amende et la durée de la procédure doivent être adaptés. Les sanctions prononcées par l'AMF interviennent dans les deux ans, trois ans dans les affaires très difficiles. Les délais devant les juridictions pénales sont plus longs.

La création du parquet national financier est bonne à mes yeux, car elle conduit à ce qu'un petit nombre de magistrats du parquet se spécialisent sur ces sujets. Nous ne sommes pas le seul domaine de compétence du parquet national financier, qui s'occupe aussi de fiscalité, de blanchiment et d'autres infractions. Mais, sur les délits boursiers, quelques personnes vont se spécialiser, ce qui facilitera le dialogue avec les spécialistes de l'AMF.

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