Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Application du principe de précaution aux ondes électromagnétiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Si les ondes électromagnétiques artificielles existent depuis longtemps avec la radio, la télévision ou les radars, l'essor exponentiel des technologies de la communication depuis une dizaine d'années amène à reconsidérer le problème et à s'interroger sur les risques pour notre santé de ce bain d'ondes dans lequel nous évoluons constamment. Se poser cette question, ce n'est pas faire preuve de peur irrationnelle. Les écologistes veulent faire le maximum pour prévenir une menace sanitaire qui pourrait déboucher sur de graves problèmes de santé publique si rien n'est entrepris rapidement.

Après l'examen de cette proposition de loi en commission des affaires économiques, il ne restait plus grand-chose du texte d'origine et je le déplore. Il n'en restera bientôt plus rien et c'est inacceptable. Je savais, à l'issue du travail en commission, que le Gouvernement ne voulait pas entendre parler de l'application du principe de précaution aux ondes. Je sais désormais qu'il ne veut même plus débattre du sujet des ondes électromagnétiques. Avoir peur du débat parlementaire, c'est cela qui est irrationnel !

Même si nous n'avons pas de certitudes scientifiques, les doutes existent et c'est parce que doute il y a que le principe de précaution doit s'appliquer. Cela n'implique pas de freiner l'essor des nouveaux outils de communication, mais bien de faire le maximum pour protéger la population. Hélas, certains s'inquiètent davantage de la santé des opérateurs de téléphonie mobile que de la santé de la population ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Je ne m'attarderai pas sur les nombreuses études scientifiques sur lesquelles se fonde mon propos et qui doivent pousser le législateur à agir tout de suite et non après la remise d'un énième rapport. Je m'appuierai seulement sur trois agences publiques.

L'Organisation mondiale de la santé a classé, en 2011, les ondes électromagnétiques comme potentiellement cancérigènes. Cette classification par l'agence sanitaire mondiale de référence doit faire réagir le législateur.

De même, pour justifier de ne rien faire maintenant, certains attendent l'actualisation du rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, l'ANSES, prévue en juin 2013. Mais, en 2009, dans sa dernière actualisation, cette agence – qui à l'époque s'appelait AFSSET – avait recommandé de réduire les expositions du public et disait que « la réduction d'une exposition doit être envisagée dès lors qu'elle est possible ». C'est l'essence même du principe ALARA, as low as reasonably achievable, dont les écologistes demandent l'application. Je constate que mes collègues de la majorité défendent également ce principe, qui peut donc être mis en oeuvre rapidement si l'on considère que le Parlement est souverain.

Enfin, l'Agence européenne de l'environnement retrace, dans une étude rendue publique ce mois-ci, les scandales sanitaires qui ont émaillé notre histoire et souligne quatre risques naissants pour lesquels le principe de précaution doit être appliqué avec force et rapidement, dont celui lié aux ondes électromagnétiques du téléphone portable. Ce rapport dénonce les tergiversations constantes et la frilosité des dirigeants, qui préfèrent attendre que le risque soit avéré et la catastrophe inéluctable plutôt qu'agir préventivement. Ne reproduisons pas ce schéma en attendant encore et toujours ! Rappelons une nouvelle fois que les premières alertes sur la dangerosité de l'amiante datent de 1896, cent ans avant son interdiction. Je n'évoquerai pas les études qui pointent les effets athermiques et physiopathologiques des ondes. Ces alertes émanant d'agences publiques dont l'autorité est clairement reconnue suffisent pour agir, ici et maintenant.

Les moyens d'action sont nombreux, même ceux qui ne remettent pas en cause l'équilibre économique du secteur des télécoms. Face à ces risques, contrairement à d'autres risques sanitaires et environnementaux, des solutions alternatives simples existent et doivent impérativement être mises en oeuvre, notamment les connexions filaires, qui permettent d'atténuer cette pollution électromagnétique. Le développement du filaire doit se faire à deux niveaux : en bout de ligne, pour un usage domestique, notamment dans les écoles, comme solution alternative au wifi, et au niveau des infrastructures de communication, qui doivent s'appuyer sur les réseaux filaires, notamment la fibre optique, plutôt que sur les technologies sans fil comme le wimax, la 4G et maintenant le « super wifi ».

On nous oppose notamment que la 4G représente un investissement de 3 milliards d'euros, mais le développement de la fibre optique représente un investissement de 20 milliards d'euros. Si la préoccupation est le développement économique et l'emploi, alors la bonne politique à mener est celle qui favorise la fibre. Cette question du développement économique et de la santé des entreprises du secteur nous est sans cesse opposée. Mais si les opérateurs de téléphonie sont en mauvaise posture actuellement, ce n'est pas à cause d'une législation qui protégerait la population des effets des ondes, puisqu'il n'y en a pas ! Protéger la population ne va pas à l'encontre du développement économique, j'en suis certaine. Au contraire, les opérateurs de téléphonie mobile pourraient s'enorgueillir de tenir compte de la santé de leurs clients et il serait dans leur intérêt de tout faire pour que n'éclate pas un scandale sanitaire, au lieu de nier sans cesse les risques qui existent.

Cette proposition de loi vise à prendre en compte l'ensemble des sources électromagnétiques de radiofréquence.

Tout d'abord, il est nécessaire d'abaisser l'exposition du public aux ondes, comme le recommande l'ANSES. Le décret de 2002 qui fixe des seuils entre 41 et 61 Vm est obsolète. Il doit être modifié. Nous proposons donc l'application du principe ALARA, c'est-à-dire la nécessité de s'assurer que l'exposition est aussi basse que raisonnablement possible. Je me félicite que la commission des affaires économiques, par la voix de son président François Brottes, nous suive sur ce point.

À propos du wifi, il est essentiel d'en prévoir une désactivation simple et de privilégier autant que possible les connexions filaires dans les établissements scolaires. Quant au wifi dans les écoles maternelles et plus encore dans les crèches, je ne comprends absolument pas son utilité. Même si le risque est faible, l'utilité du wifi dans les crèches est nulle : en toute logique, il convient donc de l'interdire, au moins dans les espaces où sont accueillis les nourrissons. Toutes les personnes avec qui j'en discute sont sidérées d'apprendre que ce n'est pas le cas actuellement et qu'une borne wifi peut-être installée à côté d'un nourrisson. L'interdire relève du simple bon sens.

Pour ce qui est des antennes-relais, la concertation et la transparence doivent prévaloir lors de leur implantation. Actuellement, c'est le chaos qui règne, et cette situation inquiète les riverains, qui voient s'implanter des antennes sans qu'aucune information ne leur ait été communiquée. Cette situation n'arrange pas non plus les opérateurs, qui peinent à installer les antennes et doivent faire face à de nombreux recours. Je rappelle que, suite à la conférence environnementale, la feuille de route pour la transition écologique prévoit qu'« une meilleure information et concertation entre l'ensemble des acteurs concernés sera mise en oeuvre ».

Sur le téléphone portable, je me félicite des dispositions qui ont été adoptées en commission des affaires économiques. En matière d'usage, puisqu'il s'agit d'une exposition voulue, l'un des seuls moyens d'action est la prévention. Il faut réussir à changer les comportements, ce qui passe notamment par la publicité, qui ne doit plus montrer une personne téléphonant avec un portable collé à l'oreille. On ne peut pas, d'un côté, dire : « Attention, c'est dangereux ! » et, de l'autre, laisser des réclames publicitaires montrer ce qu'il ne faut pas faire.

Je souhaite revenir sur deux autres points. Le premier concerne les études d'impact sanitaire et environnemental qu'il conviendrait de mener avant tout lancement d'une nouvelle technologie. Je pense notamment à la technologie 4G : aucune étude n'a été menée pour mesurer l'incidence de cette nouvelle technologie sur le bain d'ondes électromagnétiques dans lequel nous sommes plongés. Je pense également aux nouvelles tablettes sans fil pour les enfants, apparues à Noël. Nous ne savons pas quel impact elles peuvent avoir sur la santé de très jeunes enfants, et c'est inquiétant. Pour mettre sur le marché un nouveau médicament, il faut plusieurs années de recherches cliniques et une autorisation de mise sur le marché, certes perfectible, mais assez drastique. Pour le lancement d'un nouveau procédé sans fil ou d'un nouveau matériel, même un simple avis de l'ANSES n'est pas nécessaire.

Le deuxième point concerne l'électro-hypersensibilité, une pathologie reconnue par plusieurs États de l'Union européenne. La France doit, elle aussi, se soucier réellement de ces personnes qui souffrent. Des études doivent être menées pour mieux définir cette pathologie et, dans le même temps, des zones à rayonnements limités doivent être expérimentées.

Que nous ne soyons pas d'accord sur tout, c'est normal. En revanche, que l'on refuse le débat, c'est inadmissible. J'espère, mes chers collègues, que vous reconnaîtrez la nécessité de débattre et d'agir vite sur ce sujet, et que vous accepterez donc au moins d'examiner ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologistes et RRDP.)

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