Intervention de Olivier Audibert Troin

Réunion du 1er juin 2016 à 10h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Audibert Troin, rapporteur :

Le débat est intéressant mais se focalise sur les applications concrètes de ma proposition de loi et, après tout, c'est bien normal. Néanmoins, l'objet de cette proposition de loi se situe en réalité dans le registre du symbole, celui de l'humain, un registre que nous avons longuement évoqué avec notre collègue Émilienne Poumirol au cours de notre mission ; je peux comprendre les réserves formulées mais je crois qu'il faut avoir vu, et écouté, les blessés et leurs familles pour prendre la mesure de leur besoin de reconnaissance. Aucune des familles que nous avons rencontrées ne nous a présenté de demandes d'aide matérielle : c'est de la reconnaissance de la Nation qu'elles ont besoin. C'est d'ailleurs pour cela que ma collègue Émilienne Poumirol et moi-même avons intitulé notre rapport d'information : « La prise en charge des soldats blessés : un devoir de soutien et de reconnaissance de la Nation ».

La prise en charge des blessés représente aujourd'hui, pour eux et leurs familles, un véritable parcours du combattant. Lorsque nous avons rédigé notre rapport, il fallait en moyenne 380 jours pour l'obtention d'une pension militaire d'invalidité ; ce délai approche aujourd'hui 500 jours ! Mais, pour imparfaites que soient leurs modalités de mise en oeuvre, il existe déjà des dispositifs d'accompagnement économique des blessés et de leurs familles ; l'objet de cette proposition de loi est de répondre à un besoin de reconnaissance, ce qui est d'un autre ordre.

Certains se demandent peut-être si ce n'est pas par facilité que le texte que nous présentons renvoie à un décret le soin de fixer ses conditions d'application. Il n'en est rien et je rappelle que j'ai formulé des recommandations. Cette disposition participe simplement de notre volonté de procéder de façon consensuelle et justement de ne pas « monter une usine à gaz », pour reprendre un terme employé. Ainsi il pourra être laissé le soin à chaque état-major, responsable de l'homologation de la blessure de guerre, de délivrer cette carte et, par exemple, de la remettre aux familles en même temps que l'insigne des blessés. Je rappelle également qu'aucun droit n'est attaché à cette carte.

Certains d'entre vous se demandent quel droit appliquer aux blessés qui n'ont plus l'entière possession des facultés intellectuelles requises pour exprimer leur volonté et faire la demande de la carte. Certes, de tels cas peuvent exister, mais ils ne représentent en tout état de cause qu'un nombre très limité de personnes ; comme dans tous les domaines, on peut évoquer certains cas particuliers pour justifier le refus de la mesure proposée. Mais en l'espèce, la probabilité est trop faible pour devoir nous arrêter. D'ailleurs, si les facultés intellectuelles d'un blessé sont gravement affectées, demander une carte pour sa famille relève par nature des actes de la tutelle ou de la curatelle.

Nos armées ont par ailleurs tout à y gagner, si l'on considère l'état de leurs effectifs de façon pragmatique. Le service de santé des armées, ainsi que tous les acteurs de la prise en charge des blessés, le disent bien : le soutien des familles est un facteur de réussite dans la guérison des blessés. Un blessé entouré par sa famille guérit plus vite. Notre proposition vise à contribuer à impliquer encore davantage les familles dans ce processus.

Enfin, à mes yeux, le courage aujourd'hui consiste à prendre conscience de l'effet dévastateur qu'aurait sur nos militaires le refus par l'Assemblée nationale d'une reconnaissance symbolique de nos blessés et de leurs familles. Il s'agit d'humain avec un grand H et cela mérite que l'on dépasse les clivages traditionnels sur les bancs de notre Assemblée. Laissons de côté la petite politique politicienne, que nous pratiquons tous, et rassemblons-nous autour de cette mesure symbolique. Peut-être le texte doit-il être retravaillé. Mais la représentation nationale, un siècle après Verdun, se grandirait en faisant bloc avec les familles de nos blessés dans le cadre de la reconnaissance de la Nation.

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