J'en viens au rôle de l'industrie. C'est la première fois, je crois que les contributions des divers secteurs d'activité sont analysées de manière aussi fine. Nos travaux nous ont ainsi permis d'apprécier le très bon score obtenu par l'industrie en matière de réduction des émissions. C'est le secteur qui a fourni le plus d'efforts en la matière, avec des résultats concrets, sur les vingt dernières années. Certes, ces résultats sont difficilement quantifiables, car le produit n'est pas une réalité palpable, d'où une perception peut-être incomplète chez certains de nos concitoyens.
En tout état de cause, Les données du centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) font état d'une baisse sensible de la plupart des polluants émis par l'industrie manufacturière entre 1990 et 2003 : – 97 % pour le chrome, – 89 % pour le cadmium, – 78 % pour le dioxyde de soufre, – 71 % pour l'arsenic, – 48 % pour le NOX et près de – 35 % pour le monoxyde de carbone. Autant dire, pour les premières valeurs, que les particules ont quasiment disparu.
Pour traiter une pollution industrielle de plus en plus diffuse, un travail de fond devrait être mené pour identifier les installations classées (ICPE), soumises à simple déclaration, les plus polluantes. Car il faut fluidifier l'information.
Ces installations, contrairement aux ICPE soumises à autorisation préfectorale, ne sont pas inspectées régulièrement, mais peuvent faire l'objet d'un contrôle dit périodique, effectué par des organismes agréés, qui concerne 2 500 à 3 000 établissements par an. Or, les rapports des organismes agréés ne sont pas adressés aux services de l'État et les maires ne sont pas informés des contrôles périodiques effectués dans leur commune.
Les résultats de ces évaluations devraient donc être transmis aux préfets et aux maires. Par ailleurs, un fonds « air-industrie » devrait être expérimenté pour aider les industries qui souhaitent mettre en oeuvre les techniques de dépollution les plus performantes. Ce dispositif d'incitation financière devrait être conçu sur le modèle du fonds air-bois de l'ADEME, qui subventionne le remplacement des appareils de chauffage les moins performants. Il s'agit d'aller au-delà de la norme, mais une discussion doit s'engager avec la Commission européenne pour voir si le dispositif ne risque pas de tomber sous le coup du régime des aides d'État.
La Cour des comptes a souligné que l'agriculture et le secteur résidentiel-tertiaire, dont les émissions évoluent peu, quand elles n'augmentent pas, étaient relativement épargnés par la fiscalité, et échappaient à l'application du principe pollueur-payeur. Il se trouve que ces deux secteurs, aussi différents soient-ils, partagent plusieurs caractéristiques : les émissions sont quasiment stables, les sources de pollution sont diffuses, difficilement quantifiables et partant difficilement taxables. Enfin, la qualité de l'air est la résultante d'autres politiques, poursuivant d'autres objectifs.
Qu'il s'agisse d'agriculture ou de bâtiment, les émissions sont stables, bien que les sources soient différentes. Dans un cas comme dans l'autre, les émissions sont diffuses, saisonnières et difficilement quantifiables, ce qui rend compliqué le principe pollueur payeur.
Attention, il ne s'agit pas de stigmatiser les agriculteurs, mais plutôt de mieux les informer sur les effluents. Certaines techniques qu'ils emploient peuvent d'ailleurs être à l'origine de rejets dont la gravité n'est accentuée que lorsqu'ils sont combinés avec la pollution urbaine, par exemple avec un air déjà dégradé et chargé en NOx. Un travail de sensibilisation doit avoir lieu. L'INRA doit conduire des recherches, tandis que le monde agricole doit être accompagné s'agissant des possibilités d'enfouissement des effluents d'élevage, en suivant une approche par type.
S'agissant du résidentiel, la qualité de l'air découle de la politique énergétique qui vise la sobriété, laquelle passe par une meilleure performance énergétique des bâtiments. Or, celle-ci résulte d'une bonne isolation et de l'optimisation du rendement des appareils de chauffage. Il ne faut ni trop aérer, ce qui consomme de l'énergie, ni trop confiner, mais plutôt trouver le juste équilibre entre la qualité de l'air intérieur, la qualité de l'air extérieur et le rendement du chauffage.
Aussi la puissance publique doit-elle inciter les particuliers à renouveler les appareils anciens, sur le modèle du fonds air-bois mis en place en Haute-Savoie, et à veiller à entretenir convenablement leurs appareils en les sensibilisant à l'enjeu quand leurs appareils sont défectueux. Permettez-moi, sinon de vous faire une démonstration sur la manière d'allumer un feu de bois (Rires), du moins de vous exposer qu'il faut, contrairement à ce qu'il est souvent affirmé, bourrer les bûches sous le petit bois et le papier, et non l'inverse, pour diminuer la pollution à l'allumage. Nos amis suisses n'ont pas hésité à distribuer des dépliants dans les maisons pour informer la pollution, de façon à limiter l'émission de particules fines à l'allumage.