Intervention de Jean-Louis Roumegas

Réunion du 1er juin 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

La pollution de l'air intérieur est un sujet relativement nouveau dans le paysage politique et la politique menée dans ce domaine illustre la prise de conscience progressive des experts qui a précédé celle des politiques. Celles-ci reflètent le progrès des connaissances concernant l'importance du milieu sur la santé. Or, dans le monde occidental, les individus passent jusqu'à 80 % de leur temps à l'intérieur. Il faut donc lier la politique de lutte contre la pollution de l'air intérieur et de pollution contre l'air extérieur.

La France a agi quasiment en pionnier avec la création de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur, qui a produit des données et conduit plusieurs études sur les milieux et sur les populations ont été menées par ailleurs pour mesurer la qualité de l'air intérieur.

Une réglementation par seuil a été en outre adoptée. Des valeurs-guides réglementaires pour l'air intérieur (VGAI) ont été ainsi définies pour le formaldéhyde et le benzène. À partir des valeurs établies par l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), le Haut conseil en santé publique propose des valeurs d'action rapide pour le formaldéhyde, le benzène, le naphtalène, le tri- et le tétra-chloréthylène et les particules fines, des valeurs d'information et de recommandation pour le formaldéhyde.

L'information du public et des professionnels est de plus assurée par plusieurs dispositifs, comme l'étiquetage des matériaux de construction ou de décoration, en vigueur depuis le 1er janvier 2013 et qui tient compte du formaldéhyde et des composants organiques volatils, mais aussi d'autres substances toxiques. L'on attend également l'étiquetage du mobilier pour 2020. À titre personnel, je suis aussi favorable à un étiquetage des produits d'entretien qui peuvent contenir des polluants volatiles.

L'accompagnement des malades par des conseillers médicaux en environnement intérieur est également prévu. À Paris, la visite est remboursée si elle est prescrite par un spécialiste. À Tours, les associations visitent les patients admis aux urgences pour une crise d'asthme sévère. De cette façon, les bonnes pratiques peuvent se diffuser. La Sécurité sociale peut rembourser leur intervention à titre curatif, mais non à titre préventif. Je le regrette.

Contrairement à ce que l'on imagine généralement, l'air intérieur est plus pollué que l'air extérieur. Cela tient d'abord aux équipements, tels que les meubles constitués de bois collé ou agglomérés, aux appareils de chauffage mal réglés, puisque l'intoxication au CO fait encore une centaine de victimes par an, ou aux polluants tels que les cheminées à foyer ouvert, mais aussi au stockage de déchets. Cela tient également aux activités humaines : cuisson qui dégage des particules, bricolage, ménage reposant sur l'utilisation de produits d'entretien parfois mal rebouchés et mal stockés, présence d'animaux au poil allergisant, comme les chats, tabac, encens et bougies parfumées… La mode de ces dernières fait parfois oublier qu'elles dégagent du benzène. Citons enfin les matériaux de construction et de décoration.

Aussi avons-nous formé des propositions. Il convient de faire de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) le pivot de l'action en santé-environnement, ainsi que de lancer une campagne nationale de sensibilisation aux risques de pollution de l'air intérieur, car la méconnaissance des effets des déodorants, pour ne citer qu'eux, est grande. Il faut enfin concilier qualité de l'air et normes en matière de logement : les bâtiments à forte performance énergétique ont des normes d'aération parfois incompatible avec une bonne qualité de l'air intérieur. Je m'interroge même sur l'opportunité d'un diagnostic de la qualité de l'air d'un logement analogue au diagnostic obligatoire de performance énergétique.

J'en termine par la fiscalité environnementale, sujet sur lequel nous avons, Martial Saddier et moi-même, des approches différentes. J'ai proposé d'en finir avec le privilège accordé au gazole, pour que la fiscalité du diesel soit portée au niveau de celle qui frappe l'essence. À terme, il pourrait même être plus taxé qu'elle.

Sur le transport routier de marchandises, nous avons regretté l'abandon de l'écotaxe, qui a fait perdre aux solutions alternatives de transport une manne d'investissement, à hauteur d'un milliard d'euros. En ce qui me concerne, je propose d'augmenter la taxe à l'essieu, qui est appliquée aux véhicules de plus fort tonnage et qui a été abaissée dans la perspective de l'entrée en vigueur de l'écotaxe.

En ce qui concerne la TGAP air, les taux acquittés par l'industrie sont très faibles comparés aux dommages environnementaux suscités par ses émissions et au coût d'application des techniques de dépollution les plus performantes. Il convient donc d'augmenter ces taux pour les rendre supérieurs au coût marginal de dépollution, comme cela se pratique ailleurs dans l'Union européenne, en vertu du principe pollueur-payeur.

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