Intervention de Noël Mamère

Réunion du 11 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Merci Madame la Présidente, et merci à notre collègue pour la qualité du rapport qu'il vient de présenter. Il faut évidemment ratifier cet accord. Je constate d'ailleurs que nous sommes quatre pour discuter d'un projet qui engage l'avenir de l'humanité, ce qui doit nous inquiéter sur la mobilisation des responsables politiques de par le monde pour parler d'engagements contraignants en matière de lutte contre le réchauffement climatique, dont nous connaissons les conséquences économiques, écologiques et sociales.

Pourquoi parler d'engagements contraignants ? Parce que cette COP21 n'a justement pas abouti à un engagement contraignant. Souvenons-nous des discussions sans fin sur « shall » et « should ». C'est « should » qui a été retenu, et non pas « shall ».

S'il n'y a pas d'accord contraignant, il faudra miser sur la volonté politique. Certains pays loin d'être démocratiques, comme la Chine, sont confrontés à des problèmes d'environnement tels qu'ils ne se posent plus aujourd'hui des questions d'environnement ou de santé publique, mais des questions d'ordre social, avec des soulèvements dans certaines parties du pays. Paradoxalement, les démocrates, qui réclament une transition par les voies de la démocratie, sont finalement beaucoup plus faibles que ceux qui ont aujourd'hui des régimes autoritaires pouvant appliquer une forme d'écototalitarisme. Nous avons vu, par exemple, comment nous avons évité des conséquences dramatiques de Tchernobyl, lorsque le régime soviétique a envoyé des milliers de mineurs pour cimenter le socle de cette centrale nucléaire, provoquant des milliers de morts qui se seraient bien dispensés d'être envoyés de force dans cet endroit.

Il n'y a rien dans la COP21 sur la question des énergies fossiles, principalement à la demande de l'Arabie saoudite et du Canada de Harper. On voit bien les conséquences de cette voracité de nos sociétés modernes ou qui se disent telles à Fort McMurray, dans l'Alberta, qui n'était qu'un petit poste dans la Taïga, dans la forêt boréale, qui est devenu la capitale des sables bitumineux, ce qui a entraîné une énorme consommation d'eau, la déforestation de la forêt boréale, la production d'énormément de déchets toxiques que l'on entrepose dans des lacs, sans même parler des conséquences pour les peuples premiers qui vivent à ces latitudes très élevées. Cet incendie majeur n'est ni un fait divers, ni un phénomène naturel. Il est lié à un type d'extraction d'énergie fossile dont on ne voudrait pas se passer. Fort McMurray sera le Prypiat du réchauffement climatique. La ville de Prypiat a été évacuée et plus personne n'y reviendra après la catastrophe de Tchernobyl. On peut dire qu'il se passera à peu près la même chose à Fort McMurray. Il faut aussi rappeler que la température moyenne dans l'Alberta au printemps 2016 était de 30 °, alors qu'elle est normalement de 15° en cette saison. C'est sans doute l'effet d'El Niño, mais c'est aussi l'effet du réchauffement climatique, puisque l'extraction des gaz de schiste et des sables bitumineux conduit au réchauffement climatique.

Pourquoi parler de la forêt boréale ? Parce que la question de l'Arctique et de l'Antarctique n'a pas été évoquée lors de la COP21. Nous avons beaucoup tardé en France à mettre en place ce que l'on appelle la feuille de route. Le rapport que nous avons rédigé avec mon collègue Hervé Gaymard sur les effets du réchauffement climatique sur l'Arctique et l'Antarctique montre que ce sont des régions extrêmement sensibles et que l'effet du réchauffement climatique y est multiplié par deux ou trois. C'est donc un excellent baromètre, si je puis m'exprimer ainsi, des effets du réchauffement climatique.

Je regrette, comme beaucoup, ou comme trop peu de gens, que l'on ait procédé à la prorogation de l'état d'urgence, qui a empêché que la société civile participe activement à la COP21. Or, nous savons qu'on ne changera pas le climat par le haut mais avec les peuples, et que les organisations non gouvernementales qui se mobilisent de par le monde – un effet positif de la mondialisation – n'ont finalement pas pu accéder à cette COP21 et y faire non pas des contre-propositions, mais des propositions alternatives telles que celles formulées en France par des organisations telles qu'Alternatiba, France Nature Environnement ou la Fondation Nicolas Hulot.

On peut sans doute se féliciter de ce que la France soit l'un des premiers pays à ratifier l'accord de la COP21. Nous avons enfin obtenu de Mme la Ministre de l'écologie hier, parce que nous lui avons posé la question, qu'EDF, que l'État détient à 82 %, cesse d'importer des gaz de schiste dans son gaz liquéfié. L'engagement a été pris devant la représentation nationale que ces 40 % de gaz de schistes seraient supprimés. Nous savons que le gaz de schiste est un acteur du réchauffement climatique. Lorsque la France se présente comme le pays de l'excellence écologique, il y a donc très loin de la coupe aux lèvres. La France est très en retard en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, pas simplement par rapport à l'Allemagne ou à l'Espagne, mais par rapport à des pays que l'on considère comme de mauvais élèves. La loi sur la transition énergétique n'est qu'un chiffon de papier depuis que le Gouvernement a décidé de reporter à 2019, c'est-à-dire aux gouvernements qui suivront, la question du nucléaire. Et quand on voit l'acharnement du ministre de l'Économie et d'EDF à vouloir continuer à exporter des centrales nucléaires dans des pays qui n'en veulent plus, comme par exemple la Chine, on se dit que tout cet argent dépensé serait mieux investi dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique.

Voilà pourquoi je doute de la sincérité de la France dans son engagement pour lutter contre les effets du réchauffement climatique. Je souhaitais formuler ces observations devant vous pour qu'elles soient notées au nom des Écologistes. Bien évidemment, nous accorderons le bénéfice de la bonne foi, plutôt que celui du doute, à ce gouvernement qui nous demande de ratifier cette COP21, car il faut le faire, et nous savons qu'il y a encore un long chemin à parcourir.

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