Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 11 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn', rapporteur :

Je vous remercie madame la présidente. Je répondrai d'abord à Noël Mamère qui a été le premier à prendre la parole.

Vous dites que l'accord n'est pas contraignant, ce qui est vrai, pour une partie. Néanmoins, certains aspects peuvent l'être. Nous étions comme « dans une seringue » au Bourget, avec notamment un obstacle qui n'est pas sans rappeler les difficultés de Kyoto, qui est la question de la ratification américaine. En fonction de ce que l'on écrivait ou pas dans l'accord, on se retrouvait ou non dans le champ d'un executive order, lequel est le choix retenu par l'administration Obama pour ne pas passer par le cadre d'une ratification sénatoriale classique, dont le résultat serait malheureusement prévisible. Tout l'exercice des négociateurs et rédacteurs a consisté par conséquent à trouver mot par mot les éléments permettant au président des États-Unis de rendre possible une entrée en vigueur de l'accord sans passer par le Sénat et de traiter les points difficiles, c'est-à-dire les intérêts et conditions de tous les États. En ce sens, Laurent Fabius nous a rappelé récemment, devant notre commission, la discussion sur les termes « shall » et « should », un moment rédactionnel déterminant car l'un désigne l'obligation de résultats et l'autre obligation de moyens.

Je crois profondément que l'absence même de mécanisme de sanctions n'est pas si conséquente, dès lors que cet exercice a lieu au vu et au su de la communauté internationale et s'inscrit dans un exercice de transparence. La société civile, et notamment les ONG, ont une capacité de « rameuter » les peuples dans une pratique de name and shame, ce qui vaut toutes les sanctions.

Les énergies fossiles ne sont effectivement pas mentionnées sur demande de plusieurs pays comme l'Arabie saoudite et le Canada. Je précise que c'était le Canada de M. Harper et non pas de M. Trudeau. Laurent Fabius a rappelé qu'il est très difficile pour un certain nombre d'États, qui dépendent à 95% des hydrocarbures, de consentir des efforts sur ce sujet. Je ne défends bien évidemment pas ces États, mais je crois que chacun a fait un bout du chemin, y compris ces pays-là. Il faut en prendre acte et s'en réjouir. Néanmoins, ce qui se passe dans l'Alberta depuis une semaine est révélateur de tous les désastres que l'exploitation des gaz de schiste et des sables bitumineux peut provoquer. C'est un drame.

Il y a peu de choses sur les Pôles dans l'accord. Néanmoins, il y a de multiples références à l'Antarctique là où il est question de l'évolution du réchauffement de la planète. Longtemps, nous avons considéré que son rôle était neutre, en réalité tel n'est pas le cas. La fonte des glaciers en Antarctique est réelle et rapide, et alimente d'autant plus la remontée du niveau des mers.

Il est possible que l'état d'urgence ait limité la présence des ONG. J'ai veillé, lors des auditions que j'ai conduites, à rencontrer un grand nombre d'ONG et à m'inspirer de leur point de vue sur ce qui s'était passé au Bourget. Mais je les ai également sollicitées sur les relations qu'elles avaient pu avoir les unes avec les autres, notamment celles qui n'ont pas pu être présentes. J'ai eu un bon retour sur la conférence de la part de la Fondation Nicolas Hulot, de France Nature Environnement et du WWF, notamment en ce qui concerne l'application de l'accord, y compris dans notre propre pays.

Lors de la dernière audition, ce matin, M. Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du GIEC, pointait la pertinence d'un investissement dans l'efficacité énergétique, notamment en raison de l'écart qui existe entre l'investissement dans l'efficacité énergétique, d'une part, et celui dans les énergies renouvelables, d'autre part. Il serait utile de le faire revenir devant la commission pour présenter son point de vue, car il a pris part à toutes les COP depuis le Sommet de la Terre, pour partager avec nous son recul et ses analyses.

S'agissant de la question d'André Schneider, c'est vrai que nous avons l'habitude de travailler ensemble, notamment au Conseil de l'Europe. En effet, il y a des avancées majeures et c'est pour cela qu'il faut rapidement ratifier cet accord. J'ai relevé la phrase d'André Schneider sur le fait que les migrations climatiques qui nous attendent sont sans commune mesure avec les migrations auxquelles on fait face aujourd'hui. C'est parfaitement vrai. Hier, j'ai rencontré Jean-Louis Borloo, au titre de la fondation Énergie pour l'Afrique. L'un des éléments les plus marquants lors son intervention était le fait que l'électrification de l'Afrique permettrait de fixer les gens sur ce continent. Il est important aujourd'hui d'électrifier les villages, les lieux de vies comme les écoles, ou encore les lieux de soins. Je crois également que c'est l'un des thèmes majeurs de l'application vigilante de l'accord de Paris. J'espère que nous aurons l'occasion d'échanger encore avec Jean-Louis Borloo dans ce cadre.

Un thème que je n'ai pas abordé dans mon propos liminaire, est la position de l'Allemagne, et du reste de l'Europe. Il est évident que la ratification rapide, que nous mettons en place en France, devrait inciter les vingt-sept autres membres de l'Union européenne (UE). L'objectif étant que tous ces pays ratifient l'accord avant la COP22 à Marrakech et que nous déposions ensemble nos instruments de ratification pour associer l'UE. Dans l'accord, il y a des compétences qui relèvent de l'UE.

Que fera la Chine ? Je me tiens aux informations qui m'ont été transmises, selon lesquelles la Chine devrait ratifier l'accord avant le G20. Si la Chine y parvient, ce serait un grand signal politique, mais aussi économique.

Je remercie Philippe Gomes pour la question sur la Nouvelle-Calédonie. Il a rappelé le choix qui avait été fait pour ce territoire lors de la conférence de Kyoto, c'est-à-dire d'être en-dehors, et la possibilité aujourd'hui d'être dedans, ce que je préfère. Dans ce cas, elle peut être soit dans la « bulle » avec l'ensemble des objectifs et contraintes du cadre européen, soit dans un cadre sui generis avec une contribution spécifique, déposée par la France, pour les collectivités territoriales couvertes par l'article 74 et le Titre XIII de la Constitution. Si telle est la manière la plus aisée pour faire contribuer la Nouvelle-Calédonie à l'effort international, et en même temps qui fasse valoir la spécificité industrielle de ce territoire, je pense qu'il est nécessaire d'aller vers ce cadre. Je suivrai avec attention le débat et le vote du Congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les prochains jours.

Enfin, si j'ai pu communiquer de l'enthousiasme, j'espère du moins que je n'en ai pas fait trop, car cela reste un sujet très sérieux et rempli d'incertitudes. Néanmoins, je suis heureux du vent d'optimisme que j'ai pu transmettre. Je crois qu'effectivement, au regard du résultat de la conférence de Paris, qu'une nouvelle méthode en matière de relations internationales est apparue. Celle-ci veut que les chefs d'États et de gouvernements viennent au début de la conférence et non pas à la fin, comme c'était le cas à Copenhague. Concrètement, il y a un message adressé pour l'ensemble des acteurs de la vie civile, les ONG notamment, qui ont joué un rôle majeur, et les industries, qui détiennent les clés pour réussir la transition énergétique. Derrière le combat pour la planète, il y aussi une volonté de développer une économie décarbonée, inclusive et qui crée des emplois, notamment là il y en a peu, comme en Afrique. Je vous remercie.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte à l'unanimité le projet de loi (n° 3719) sans modification.

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