Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement se présente devant la représentation nationale avec l’ambition de franchir un pas supplémentaire dans la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale.
Ce n’est pas le premier texte de cette législature. Beaucoup a été fait depuis quatre ans, mais beaucoup reste encore à faire tant la lutte contre ce fléau du capitalisme financiarisé et transnational ne saurait connaître aucun répit.
Monsieur le ministre, il y a le texte, mais, un grand nombre de mes collègues l’ont souligné avec raison, il y a également le contexte.
Le contexte, nous le connaissons. Il a pour nom LuxLeaks, Panama Papers, il a pour nom l’insatiable appétit des très riches et de certaines firmes internationales pour des solutions leur permettant d’échapper par tous les interstices du droit, par tous les moyens légaux ou illégaux, le plus souvent discrets, voire secrets, à la juste et nécessaire participation à l’impôt. Or, cet impôt constitue le prélèvement nécessaire sur la richesse créée ou accumulée, sans lequel il ne saurait y avoir d’avenir pour nos services publics, nos systèmes de protection sociale dans nos sociétés, sans lequel il ne saurait y avoir non plus de financement durable de l’aide au développement ou de lutte contre les conséquences du réchauffement climatique, bref, sans lequel il ne saurait y avoir de construction d’un monde civilisé et durable.
Une prise de conscience planétaire a émergé ces dernières années. Les États, en parole du moins, ont, semble-t-il, enfin pris la mesure des défis à relever. L’OCDE et, à sa suite, les gouvernements ont décidé de traduire dans leur droit des mesures indispensables permettant une approche globale et simultanée de la lutte contre l’évasion fiscale.
Nous ne pouvons que nous en féliciter et qu’appuyer ce mouvement de modification de nos lois, que traduit, entre autres, le projet que vous nous présentez.
Des réticences demeurent cependant, parce que les contradictions d’intérêts entre les États et au sein des États n’ont pas disparu. C’est pour cela qu’une vigilance et qu’un contrôle citoyen sont plus que jamais nécessaires et que la loi doit forger les outils de ce contrôle citoyen.
C’est parce que des citoyens, des ONG et la presse ont révélé certains scandales récents que les gouvernements ont pu trouver l’énergie pour agir. C’est la raison pour laquelle il faut avancer et avancer encore dans cette voie.
Même si vous trouvez cela injuste au regard de la totalité des propositions que contient votre projet de loi, monsieur le ministre, votre crédibilité dépendra, au bout du compte, du sort que vous réserverez à la proposition de reporting public qui vous est présentée par de nombreux députés.
Vous ne pourrez pas vous abriter derrière des arguties juridiques, ni derrière un projet de directive européenne fort décevant tant il est incomplet et au fond inefficace.
Vous ne pourrez pas vous abriter non plus derrière la prétendue défense de la compétitivité de nos entreprises, l’argument qui nous fut servi à chaque étape de la loi bancaire ou de la transcription de la directive sur les activités extractives par celles et ceux qui refusaient toute avancée dans cette direction.
Cet argument a un nom, la complainte indécente des lobbys qui prétendent, par-dessus les citoyens, dicter leur loi, en forçant au besoin la main des gouvernements et de la représentation nationale.
Aussi, un pays comme la France, deuxième puissance économique de l’Union européenne, se doit d’être à la hauteur.
Aussi, un pays comme la France, qui siège au Conseil de sécurité des Nations unies se doit d’être à la hauteur.
Aussi, un pays comme la France, dirigée par un gouvernement qui se réclame de la gauche, se doit d’être à la hauteur.
Nous pouvons faire beaucoup en matière de reporting public des entreprises, mais nous ne pourrons pas faire moins que ce que nous avons déjà fait dans la loi bancaire de 2013 à l’encontre des banques, qu’il s’agisse des seuils, du périmètre géographique ou des critères.
Si telle est votre volonté, vous nous trouverez à vos côtés. Pour l’instant, au moment où le débat s’engage, je n’ai qu’une chose à vous dire : cessez de tergiverser, agissez !