Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Application du principe de précaution aux ondes électromagnétiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Madame la présidente, madame la ministre déléguée, messieurs les présidents de commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative de nos collègues écologistes et de féliciter Laurence Abeille pour son travail.

Je suis une nouvelle députée, mais il me semble utile et important d'aborder de front ce sujet polémique et difficile, dans notre hémicycle, par le biais d'un texte de loi.

Nous avons le devoir de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens, tant le développement des technologies sans fil émettant un rayonnement électromagnétique est rapide et envahit notre quotidien. Il nous faut être vigilants, d'autant que nous avons très peu de recul sur les effets potentiels à long terme.

Nous tous, ici – les élus de manière générale – recevons régulièrement dans nos permanences, dans nos mairies, dans nos collectivités, des personnes angoissées, des associations inquiètes, des riverains d'antennes-relais en colère, qui se plaignent de ne pas être assez écoutés par les pouvoirs publics.

Dans les Hautes-Pyrénées, dans le cadre du déploiement d'un réseau d'initiative publique haut débit à partir d'une infrastructure fibre optique complétée par une couverture radio wimax et satellite, nous avons eu à connaître cette colère des associations.

Que nous ont-elles reproché ? Les risques potentiels sur la santé, certes, mais aussi le manque d'information et de concertation, notamment dans le choix d'implantation des pylônes et des antennes wimax.

Les citoyens veulent une meilleure information, ils réclament des études scientifiques rigoureuses et indépendantes – j'insiste sur ces mots –, ils exigent une plus grande concertation avant de valider la pose d'une antenne ou d'un pylône. Qu'y a-t-il de si anormal dans ces demandes ?

Les technologies de l'information et de la communication se propagent à une allure incontrôlable. Elles font aujourd'hui partie de la vie ordinaire de l'ensemble de nos concitoyens, et le numérique a même une ministre, que je salue. Alors, devons-nous rester spectateurs passifs devant ce formidable développement de l'économique numérique, sous prétexte qu'il a indéniablement amélioré notre vie ? Je ne le crois pas, bien au contraire. Je suis convaincue que les élus ont une responsabilité particulière face à cette propagation et face aux enjeux économiques.

Certes, nous devons faire du développement économique une priorité, mais nous devons aussi nous efforcer de garantir à nos concitoyens la sécurité sanitaire.

La proposition de loi initiale contenait des mesures intéressantes. Au nom des députés du groupe RRDP, je tiens à dire que nous regrettons l'adoption de nombreux amendements de suppression lors de l'examen en commission des affaires économiques.

Je ne reviendrai pas sur le débat juridique concernant l'application formelle du principe de précaution dans le champ du sanitaire. Nous pouvons tout de même nous référer au principe d'attention introduit par François Brottes dans son rapport.

Quels que soient les mots que nous utilisons, nous devons faire preuve de prudence dès lors qu'il existe une suspicion de risques. Les principales mesures de la proposition initiale répondaient à cette exigence. Ces dispositions, pour la plupart supprimées en commission, devaient revenir en débat au cours de la discussion, mais il me semble que cela soit bien compromis.

L'immense majorité des députés du groupe RRDP soutient ces amendements et sera particulièrement attentive à l'examen de ceux qui proviennent d'une proposition de loi de 2005, cosignée par mon collègue Joël Giraud, que je vous prie d'excuser car il est retenu dans sa circonscription par des contraintes d'agenda. Du reste, cette proposition de loi avait été cosignée par des députés de diverses sensibilités, entre autres par Nathalie Kosciusko-Morizet. À l'époque, cette question avait fait l'objet d'un large consensus qui dépassait les clivages politiques.

Cette initiative avait le mérite de lancer un débat public et parlementaire. Huit ans après, nous avons toujours besoin d'une loi sur ce sujet. Il suffit d'interroger les maires, souvent en première ligne sur ces dossiers, pour constater qu'ils sont insatisfaits des outils juridiques mis à leur disposition. À l'heure actuelle, beaucoup ne sont pas en mesure de répondre correctement aux inquiétudes exprimées par leurs concitoyens.

L'obligation du permis de construire a été rejetée en commission. Des amendements de compromis ont été déposés pour encadrer plus strictement le déploiement des antennes-relais et, surtout, améliorer l'information des élus, des citoyens et la concertation avec les riverains par des débats publics. C'est, me semble-t-il, la moindre des choses.

Par ailleurs, des amendements déposés par Joël Giraud et Jacques Krabal, cosignés par le groupe RRDP et le groupe écologiste, visent à interdire la vente de téléphones mobiles aux jeunes enfants et leur utilisation dans les écoles primaires et les collèges. Voici à nouveau deux exemples de précautions minimales que nous vous demandons d'inscrire dans la loi pour manifester une volonté de vigilance vis-à-vis de nos enfants, pour lesquels il est avéré que l'exposition aux ondes électromagnétiques est plus dangereuse.

Le débat sur cette proposition de loi nous invite à réfléchir sur la nécessité de faire primer les enjeux sanitaires sur les logiques économiques. Redonnons la parole à ceux qui nous alertent sur ces questions, car, aujourd'hui, comme le dit Corinne Lepage, « il ne s'agit plus seulement de donner aux associations qui défendent l'environnement toute la place qu'elles méritent. Il s'agit de donner à tous ceux qui défendent la santé et le long terme la capacité de peser pleinement sur les décisions publiques ».

Pour conclure, je voudrais dire deux mots sur la motion de renvoi en commission. Je m'étonne de cette procédure de dernière minute, qui vise clairement à éviter l'examen des amendements, particulièrement des dix-neuf cosignés par la majorité des députés du groupe RRDP, et surtout à éviter l'adoption de la proposition de loi.

Nous avons eu de longs débats en commission, ils ont été passionnants et passionnés, et chacun a pu faire valoir ses arguments. Sincèrement, je trouve cette motion illégitime et peu respectueuse du travail parlementaire. L'argument du calendrier ne tient pas : il y aurait eu tout le temps d'ajuster le texte, si besoin en s'appuyant sur les rapports tant désirés et attendus, au cours de l'examen au Sénat puis en seconde lecture à l'Assemblée nationale.

Les petits groupes ne disposent que d'une journée par an pour proposer un ordre du jour. Je regrette profondément l'utilisation de cette procédure, qui manque d'élégance. Au nom du groupe RRDP, je vous annonce d'ores et déjà que nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

(M. Denis Baupin remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.)

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