Je suis d'accord avec M. Jean-Pierre Decool. Il n'est pas acceptable de dire à un député de « se mêler de ses affaires ». Ne pas vouloir l'entendre, c'est ne pas vouloir entendre les patients, car vous ne faites pas autre chose que d'essayer, avec les moyens qui sont les vôtres et qui sont importants, d'obtenir que les malades soient entendus. Refuser d'entendre les malades pour une raison dogmatique – parce qu'on ne croit pas à leurs plaintes –, ce n'est pas une attitude médicale raisonnable.
Quoi qu'on en pense, même si on est très sceptique à l'égard de ce syndrome – je respecte les sceptiques car ils ne manquent pas d'arguments –, on ne peut pas négliger ou mépriser un état dont se plaignent des millions de personnes dans le monde.
Il faut indiscutablement – c'est l'un des premiers éléments de la prise en charge si l'on veut obtenir un résultat – écouter les malades. C'est d'ailleurs l'une des difficultés auxquelles sont confrontés les généralistes : une consultation de vingt ou trente minutes ne suffit pas pour garantir l'écoute que réclame cette maladie.
S'agissant de la typologie, on constate chez un nombre important de patients, pas chez tous, des antécédents qui ne peuvent qu'être pris en considération. Il s'agit de traumatismes physiques, principalement ceux consécutifs à des grandes catastrophes comme celle du 11 septembre 2001 à New York, mais aussi de traumatismes psychologiques notamment liés aux différentes formes de violence subie pendant l'enfance ou l'adolescence.
On note une association claire avec la dépression ou l'anxiété, mais on ne connaît pas très bien le lien entre les deux. Les signes de la dépression peuvent survenir avant ou après les manifestations de la maladie. La dépression peut être l'origine de douleurs mais on sait aussi que des douleurs prolongées peuvent être génératrices de dépression. Il est donc difficile d'établir un profil psychologique des personnes destinées à souffrir d'une fibromyalgie.
Quant à l'inaptitude à l'activité professionnelle, c'est l'une des questions auxquelles il est le plus difficile de répondre, car on ne peut en décider que sur la foi des déclarations du patient. À ce jour, je n'ai pas de réponse. Je sais que certains médecins des caisses d'assurance maladie acceptent parfois des régimes particuliers pour ces patients. Il faudrait les entendre pour connaître les critères qui fondent leurs jugements et les inciter à harmoniser ces derniers. Les patients se plaignent précisément, à juste titre, des différences de traitement entre les régions.
La fréquence de la maladie est très difficile à connaître car il n'existe pas de recensement très clair. On estime que, dans le monde, la prévalence, c'est-à-dire le nombre de personnes affectées par la maladie à un moment donné, serait comprise entre 1 et 2 % de la population, ce qui est considérable.
Aucune base immunologique n'a été identifiée pour la fibromyalgie simple, mais celle-ci peut être associée aux grandes maladies immunitaires que sont la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux. Lorsque les signes de la fibromyalgie accompagnent ceux des maladies que je viens d'évoquer, on considère qu'il ne s'agit pas d'une vraie fibromyalgie mais d'une maladie immunologique qui en emprunte les signes. Cela contribue à justifier l'emploi du terme de syndrome pour désigner la fibromyalgie, puisqu'un syndrome peut également être un ensemble de signes clairs répondant à des causes différentes, dont certaines sont des maladies connues.