Vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de revenir sur l’introduction de circonstances aggravantes pour les principales atteintes à la probité. C’est pourtant suivant l’exemple du traitement réservé aux infractions pour fraude fiscale, prévu à l’article 1741 du code général des impôts, que la commission a complété l’article 11, afin de prévoir des circonstances aggravantes, comme l’agissement en bande organisée ou l’interposition d’une structure offshore pour l’ensemble des manquements au devoir de probité.
Tel est tout de même l’objet du texte : lutter plus efficacement contre la corruption. Je regrette donc que vous souhaitiez revenir en arrière, monsieur le garde des sceaux, car notre souhait était de progresser vers le prononcé de peines réellement dissuasives.
Le rapport de 2014 du service central de prévention de la corruption du service central de prévention de la corruption – SCPC –, auquel succédera bientôt l’Agence française anticorruption, en témoigne, page 23 : en moyenne, les peines prononcées s’élèvent à moins de 8 000 euros – 7 993 euros précisément – et huit mois de prison. Toutes les institutions internationales le dénoncent, soulignant que les peines prononcées sont insuffisamment dissuasives, notamment s’agissant des questions de corruption.
Cela étant, j’entends totalement ce que vous dites, monsieur le garde des sceaux : ce mécanisme de circonstances aggravantes reviendrait à criminaliser certaines infractions ; par ailleurs, passer de la 32e chambre du tribunal de grande instance de Paris à la cour d’assises nuirait peut-être même à une bonne administration de la justice. C’est pourquoi j’avais proposé un compromis à vos services : maintenir la notion de circonstances aggravantes en cas de bande organisée ou de l’interposition d’une structure offshore, tout en maintenant le plafond de dix ans – juridiquement, c’est tout à fait possible –, ce qui aurait permis de tirer le bénéfice des circonstances aggravantes sans tomber dans l’écueil de la criminalisation.
À ce stade, mes chers collègues, je vous propose donc de ne pas suivre le Gouvernement et de maintenir le texte en l’état, pour montrer notre volonté d’instituer des sanctions plus efficaces et des peines plus dissuasives. Au cours de la navette, nous répondrons à toutes vos objections, monsieur le garde des sceaux, en fixant ce plafond de dix ans, afin d’éviter le passage du tribunal correctionnel – la 32e chambre – à la cour d’assises. Je vous propose ce compromis intelligent – si j’ose dire – entre nos deux positions. Au demeurant, monsieur le garde des sceaux, cela relève de la tactique législative, enseignée dans un très bon ouvrage que j’ai lu lors de mon élection, en 2012.