Comme vient de le dire mon collègue Marleix, il s’agit ici des cas de transactions pénales engagées par un État étranger contre des entreprises françaises, plus précisément des cas actuels, malheureusement nombreux, de convocations d’entreprises françaises par la justice américaine, qui leur demande de se confesser, de s’auto-accuser et de livrer toute pièce en vue de leur accusation, avant de décréter, sur cette base, des amendes et des processus de mise en conformité.
Le processus de mise en conformité prévoit la nomination d’un monitor – appelé « commissaire » dans la législation française –, payé par la société et dont la mission consistera essentiellement à collecter toutes les informations relatives aux contrats en cours ou à venir. Ces documents absolument stratégiques pour l’entreprise seront ensuite transmis à l’OFAC – Office of Foreign Assets Control–, basé à Washington et relevant du département de la justice. Nous sommes donc victimes, je pèse mes mots, d’un système d’espionnage économique organisé au nom des meilleures intentions du monde. Qui, en effet, pourrait être défavorable à la lutte contre la corruption ou contre des manoeuvres plus ou moins douteuses ?
Par son amendement, M. Marleix voudrait imposer aux entreprises de prévenir immédiatement les autorités françaises lorsque des pressions de ce genre s’exercent à leur encontre. C’est la moindre des choses – même si, en réalité, les conventions, les procédures de plaider coupable, ou guilty plea, font l’objet de publications de la part du procureur américain.
L’amendement no 1187 , le premier que je vous soumets, tend à obliger le monitor à transmettre les documents à l’administration française avant de le faire à Washington. Pour que cette disposition soit pleinement efficace, monsieur le garde des sceaux, encore faut-il que le Quai d’Orsay prévienne les Américains que, s’ils entendent poursuivre de nouvelles sociétés françaises, la convention de plaider coupable prévoira l’intermédiaire des autorités françaises. J’ai déjà pu lire des dispositions analogues dans certains guilty plea. Ma proposition, qui éviterait de transférer massivement des données essentielles à notre concurrent américain, n’est donc pas totalement aberrante.
Quant à mon autre amendement, le no 701, il vise à renforcer la loi de blocage de 1968. Lorsque les Américains, en 1996, suite au blocus de Cuba, ont voté la scandaleuse loi Helms-Burton, les Européens, qui réagissaient encore à l’époque, ont décidé de ne pas se soumettre à cette mesure intolérable et ont fait savoir aux Américains que, au cas où ceux-ci engageraient des procédures de sanction contre les entreprises européennes, les Européens saisiraient l’OMC et prendraient des sanctions équivalentes. Du coup, les Américains ont reculé, ce qui prouve qu’il s’agit vraiment d’un rapport de forces.
Aujourd’hui, les Américains continuent à martyriser nos entreprises en profitant de la sévérité insuffisante de la loi de blocage de 1968. D’où l’idée de l’amendement no 701 : aggraver les peines, ce qui videra leur argument de sa substance, parallèlement à notre affaire de transaction pénale – c’est ainsi que je l’appelle, même si vous avez changé de terme, mais chacun comprend bien de quoi il ressort.
Autrement dit, je vous propose un double mécanisme : une loi de blocage renforcée et une obligation de transférer les informations d’abord à la France, puis la transaction. Ces amendements s’insèrent donc dans une cohérence d’ensemble et je vous remercie de les appréhender ainsi, au-delà des clivages partisans.