Je me contenterai, sans revenir sur les détails, de quelques propos d’ordre général. Lorsque j’ai été désigné rapporteur de ce texte et que j’ai découvert les dispositions relatives à la transaction pénale, j’ai émis les mêmes réserves que vous, MM. Bocquet et Coronado, quant aux risques de voir émerger une justice à deux vitesses.
J’étais donc bardé d’a priori à ce sujet, d’abord parce que je suis un juriste français et que nous avons des traditions juridiques auxquelles il est parfois difficile d’échapper. Voilà pourquoi je veux vous dire quel a été mon cheminement après cinquante heures d’audition, cent vingt et une personnes rencontrées et un déplacement de travail à Londres.
Il ne s’agit pas d’instaurer une transaction pénale, mais bien d’imaginer un dispositif qui corresponde à la tradition juridique française.
Ce qui m’a le plus frappé, ce sont la première audition et la dernière. Nous avons en effet commencé par entendre le Service central de prévention de la corruption et sa chef de service, Mme Siméoni. Le parcours de cette dernière est éloquent : elle a été juge d’instruction pendant vingt-cinq ans, notamment au pôle financier, puis présidente de cour d’assise. À ma question sur ce qu’elle pense du dispositif, elle répond qu’ayant toute sa vie ouvert des dossiers de cette nature et constatant comme tous les citoyens que nous n’avons jamais condamné une seule personne morale en France pour de tels faits, elle estime qu’il s’agit d’un outil supplémentaire qui pourrait être profitable à notre pays.
Lors de la dernière audition, je pose la question à Mme Houlette, procureur national financier, qui peut s’enorgueillir d’un curriculum vitae tout aussi éloquent en la matière. Elle aussi, alors qu’elle partageait avec Mme Siméoni les mêmes préventions au départ, répond qu’elle pense qu’il peut s’agir d’un bon outil, dans la mesure où les procédures classiques ne permettent pas de condamner les personnes morales visées.
Car l’objectif est bien celui-ci : condamner des personnes morales qui, de toute façon – et pour cause ! –, n’iront pas en prison. Au demeurant, le dispositif conçu par Mme Mazetier n’exclut absolument pas la poursuite des personnes physiques. On ne peut donc vraiment pas parler de justice à deux vitesses. Plusieurs précisions rédactionnelles très utiles, dont certaines de votre rapporteur, viennent clarifier encore ce point. Le mécanisme imaginé par notre collègue est, sous cet aspect, exempt de toute critique.