Intervention de Mohammed Hocine Benhkeira

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Mohammed Hocine Benhkeira, directeur d'études à l'école pratique des hautes études, section des sciences religieuses, titulaire de la chaire d'histoire des sciences légales en islam :

Dans l'expression « abattage rituel », le mot « rituel » est important. Depuis toujours, les rites sont un élément essentiel de toute société – ils sont même caractéristiques de l'Humanité.

Concernant la mise à mort des animaux de boucherie, l'islam s'appuie sur une « législation », un ensemble de prescriptions, au premier rang desquels le Coran, avec en particulier le verset 173 de la sourate 2 dite « La vache », le verset 3 de la sourate 5 dite « La table », le verset 145 de la sourate 6.

J'en citerai un autre, le verset 121 de la sourate 6, particulièrement important, qui dit ceci : « Ne mangez pas ce sur quoi le nom de Dieu n'aura pas été invoqué, car ce serait une perversité ». Autrement dit, on ne peut pas consommer ce sur quoi le nom de Dieu n'a pas été prononcé, sous peine de devenir soi-même l'auteur d'un acte grave.

La législation islamique sur l'abattage rituel est complexe, très détaillée. Selon l'esprit de la loi islamique, on ne peut avoir une relation instrumentale avec l'animal, qui est une créature du Dieu créateur. Autrement dit, cette religion considère que le monde a été créé par un Dieu, que ce Dieu a créé l'Homme comme il a créé les animaux ; par conséquent, celui-ci n'a aucun droit sur les animaux, si ce n'est avec l'autorisation ou la permission du Dieu créateur. En invoquant le nom de Dieu, l'homme demande la permission au Dieu créateur de mettre à mort un animal.

Cela a d'ailleurs posé un gros problème aux théologiens : pourquoi Dieu permettrait-il de faire souffrir les animaux ? La réponse qu'ils ont échafaudée a été la suivante : à chaque fois qu'un animal sera abattu par un homme, Dieu sera tenu de lui offrir une compensation après la mort. À ma connaissance, c'est la seule exception où les théologiens musulmans ont reconnu que les animaux pouvaient espérer quelque chose après la mort…

La relation à l'animal est donc importante : on ne peut pas traiter les animaux comme des choses. Au demeurant, il est interdit de vendre ou d'acheter des chiens ou des chats, les animaux sauvages eux-mêmes sont protégés, la chasse est très réglementée et les relations avec les animaux domestiques sont elles-mêmes réglementées. Selon un récit très connu de la tradition islamique du VIIe siècle, Dieu aurait pardonné toutes ses fautes à une prostituée et l'aurait admise au paradis parce qu'elle avait pris sa chaussure pour offrir à un chien assoiffé – animal réputé impur dans l'islam – de l'eau tirée d'un puits. Je décris là une norme idéale que les musulmans sont en principe tenus d'observer ; mais ils ne l'observent pas forcément tous…

En conclusion, selon la loi islamique, le rituel vise à « instituer » la viande, c'est-à-dire à humaniser la victime : la viande qui ne passe pas par le rite, par exemple un mouton tué par un loup, n'est pas consommable ; c'est évidemment une perte sur le plan économique, mais pas sur le plan symbolique, au contraire.

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