Intervention de Anne-Marie Brisebarre

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anne-Marie Brisebarre, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique, CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France :

Certes. Mais il y a toujours un point d'interrogation sur la réceptivité individuelle des animaux, croisée avec la façon dont travaille l'opérateur. Les associations de protection animale dénoncent dans les vidéos les étourdissements ratés qui ne sont pas suivis de la mise en place d'un système d'urgence avant la suite des opérations. J'ai lu des textes scientifiques sur l'abattage selon lesquels l'égorgement d'un animal bien traité et non stressé, effectué par une personne compétente avec les instruments appropriés, provoquait immédiatement un collapsus – et donc un électroencéphalogramme plat. D'un autre côté, on entend dire que certains moyens d'étourdissement paralysent l'animal, qu'il ne peut pas exprimer de souffrance, mais qu'on ne sait pas s'il souffre. Il y a un an ou deux, j'ai lu un article qui expliquait qu'aux États-Unis les animaux étaient mieux traités que les condamnés à mort : les médecins refusant de pratiquer l'anesthésie, ce sont des gens non qualifiés qui s'en chargent, et si les condamnés à mort ne peuvent pas exprimer la douleur, cela ne veut pas dire qu'ils ne souffrent pas au moment où on leur injecte le poison. Bref, nous voyons, nous entendons, nous lisons des choses, et il est très difficile pour nous de vous répondre. Un animal tombé est-il conscient ou non ? Est-il tombé parce que l'électronarcose a provoqué un réflexe épileptique ? Souffre-t-il ou pas ? Combien de temps dure l'agonie ? Les choses sont compliquées, car j'ai l'impression, d'après tout ce que j'ai lu, que tout le monde n'est pas d'accord.

Pour ce qui est de l'abattage rituel musulman, des gens disent que les textes sont anciens et qu'il serait donc possible d'évoluer. Selon moi, le problème se situe moins au niveau des mosquées ou des savants de l'islam qu'au niveau des organismes de certification, privés ou liés à des associations, dont certains ont intérêt à proposer du halal plus halal que le halal d'à côté – de la même manière, qu'il existe du plus casher que le casher. En clair, ces organismes de certification, parfois concurrents entre eux, peuvent être tentés de rajouter des normes aux normes pour donner l'impression d'être plus orthodoxes, plus respectueux des règles. Sans parler des intérêts financiers.

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