Intervention de Anne-Marie Brisebarre

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anne-Marie Brisebarre, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique, CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France :

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Lors de cette affaire, j'avais d'ailleurs indiqué qu'il s'agissait d'une petite structure. Néanmoins, les éleveurs avec lesquels j'ai parlé au téléphone m'ont dit avoir été choqués par la vidéo. J'en profite pour dire que ce type de vidéos diffusées sur le Web pose un gros problème, et je vais vous expliquer pourquoi.

Quand je dirigeais une recherche sur l'Aïd el-Kébir, un de mes collègues a voulu que des images soient filmées pour réaliser un carnet d'enquête ; j'ai alors refusé de prendre moi-même la caméra, car je voulais garder le contact avec les familles qui faisaient ce sacrifice de l'Aïd dans une ferme de Seine-et-Marne ; c'est donc une autre personne qui s'en est chargée. Je suis restée avec une des familles pendant tout le sacrifice : les gens ont cajolé le mouton, lui ont donné du sel « comme à un enfant à qui l'on donne un bonbon avant de lui faire une piqûre », m'ont-ils expliqué ; le père de famille, très expérimenté, l'avait égorgé d'un seul coup de couteau ; puis la bête a été dépouillée, la mère de famille a grillé le foie… Par contre, le film tourné par le professionnel, qui s'était approché de la bête lors de l'acte, n'était pas du tout représentatif ce tout ce que j'avais vécu avec cette famille : l'image de l'égorgement pris plein cadre et vue sur une petite lucarne de télévision était proprement insoutenable, totalement à l'opposé de ce que j'avais moi-même vu de ce sacrifice familial.

L'association L214 joue un rôle en dénonçant, vis-à-vis des pouvoirs publics, des choses qui dysfonctionnent, certes. Mais diffuser des vidéos sur le Web, qui sont de surcroît des montages et que tout un chacun peut voir, je suis contre. D'autant que cette association prône le végétarisme et l'arrêt de l'élevage.

Les bouchers maquignons de Marseille, à qui on permettait d'organiser le sacrifice de l'Aïd dans les anciens abattoirs de Saint-Louis, avaient réalisé une vidéo pour montrer leur organisation. J'ignore si c'est un professionnel qui avait filmé ; les égorgements avaient peut-être été filmés, mais ils n'avaient pas été intégrés pas dans le montage. Sans doute ces gens étaient-ils conscients, alors que leur objectif était de montrer que la fête de l'Aïd est une fête familiale, où la viande sacrificielle a une valeur, à laquelle on trouve un goût particulier, que leur film ne serait plus montrable avec les égorgements.

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