Sur l'aspect financier, je suis incapable de vous apporter des informations ; ma collègue Anne-Marie Brisbarre pourra le faire. Sur les autres aspects, je peux répondre.
En tant que spécialistes de sciences humaines, nous avons la chance de ne pas être trop certains de ce que nous avançons – nous parlons d'hypothèses. L'hypothèse est que les musulmans en situation minoritaire qui vivent dans un environnement pas toujours très favorable auront tendance à mettre l'accent sur des aspects de leur vie quotidienne qui permettent de renforcer leur identité : j'ai moi-même parlé il y a une vingtaine d'années de « frontière rituelle », c'est-à-dire de ces barrières que l'on pose pour se protéger de la dissolution dans le tout environnant. À la différence du judaïsme, où la loi édictée par les rabbins s'impose à tous, dans l'islam, une fatwa émise par un mufti peut n'avoir aucun effet sur les fidèles. J'ai beaucoup de respect pour les gens du Conseil français du culte musulman, mais ils pourront édicter autant de règles qu'ils voudront, les musulmans pratiquants ne sont pas tenus de les suivre ! C'est la particularité de l'islam, sur laquelle on peut difficilement agir.
La difficulté se réglera dans le temps, à moyen terme, dirais-je, d'autant que le contexte est assez particulier. Car vouloir contraindre les adeptes d'une religion à abandonner une de leurs règles – qui n'est pas fondamentale – aboutirait précisément à la rendre fondamentale ! Elle deviendrait identitaire, alors qu'elle ne l'était pas au départ. Vous connaissez cet effet pervers de l'éducation : obliger quelqu'un à changer de comportement l'amène à résister, comme le font les adolescents.