Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 30 janvier 2013 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Enfin, je veux dire un mot sur l'autre grand axe structurant de ce projet de loi, celui de la protection des clients et en particulier des plus fragiles.

Le débat s'étant concentré sur la séparation, on parle peu de cet aspect. Mais, pour les clients voire pour les banques elles-mêmes, il n'est pas le moins important ni le moins concret. Il s'inscrit dans la lignée des travaux de la conférence sur la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, dont il intégrera les conclusions. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires intègre cette dimension « consommateur et citoyen ».

Sans entrer dans le détail, je mentionnerai trois progrès. Premièrement, le texte propose le plafonnement des commissions d'intervention que les banques prélèvent quand le compte d'un client fonctionne de manière irrégulière. Par exemple, chaque retrait opéré lorsque le compte est à découvert coûte 8 euros ; ces prélèvements cumulés représentent de fortes sommes pour les populations les plus précaires. Nous instituons donc un plafonnement pour les publics qui connaissent des difficultés financières. Les banques auront également l'obligation d'offrir à ces clients des moyens de paiement adaptés à leur situation et permettant de prévenir les incidents.

Deuxièmement, le texte comporte des dispositions destinées à accroître la transparence et la concurrence en matière d'assurance emprunteur, cette assurance que la banque exige quand un client contracte un crédit immobilier par exemple. Dans le cas d'un crédit immobilier de 150 000 euros contracté sur vingt ans à 3,75 %, une assurance au taux de 0,36 % représente 11 000 euros sur la durée de vie du prêt. Mais la concurrence entre assureurs est aujourd'hui très insuffisante ; si elle permettait, par exemple, de passer de 0,36 à 0,30 %, l'emprunteur économiserait 1 500 euros.

Troisièmement, le projet de loi prévoit des améliorations visant à faciliter le recours à la procédure du « droit au compte » pour ceux qui n'ont pas accès à un compte bancaire. Cette procédure permet à toute personne d'obtenir de la Banque de France qu'elle désigne une banque proche de son domicile pour lui ouvrir un compte accompagné d'un ensemble de services bancaires de base gratuits. En matière de surendettement, la loi prévoit également des dispositions pour simplifier la procédure afin de réduire la durée de l'examen de certains dossiers et pour permettre la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier.

Permettez-moi pour finir de vous dire dans quel état d'esprit j'aborde la discussion parlementaire. Ce projet de loi propose une approche globale et ambitieuse en réponse aux causes profondes de la crise financière. Il traite des structures mais s'attaque aussi aux comportements. Il s'applique aux banques mais aussi au reste de la chaîne, comme les superviseurs, parce que la crise n'a pas été causée par un seul facteur ou par la défaillance d'un seul acteur. Je peux vous assurer qu'il intéresse beaucoup nos voisins européens et la Commission européenne, qui observent nos débats avec une grande attention.

Le travail, évidemment, ne s'arrête pas là. Le projet de loi a déjà été l'objet de débats nourris, et je m'en félicite. De larges consultations ont éclairé le Gouvernement dans ses choix. Ce texte posera un cadre et définira des paramètres destinés à faire émerger un secteur bancaire plus sûr, plus stable et plus juste.

Surtout, il bénéficiera, je le sais et l'attends, des enrichissements que lui apportera la représentation nationale. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer en décembre dernier, je conçois le débat avec un esprit d'ouverture et d'écoute sur certains sujets que vous souhaiteriez voir amendés.

Je pense à la possibilité de faire basculer dans la filiale les activités de tenue de marché qui ne représenteraient pas une réelle utilité dans l'économie – même si je note que M. Michel Barnier, le commissaire européen chargé de la réforme bancaire, déclarait ce matin au Financial Times qu'il est « clair qu'une partie de la tenue du marché est liée au soutien de l'industrie et de l'économie ». Nous devrons trouver des seuils ou des curseurs pertinents pour séparer ce qui est utile à l'économie de ce qui ne l'est pas.

Soyons précurseurs, oui, réformateurs, oui, mais ne soyons pas masochistes ! Nous devrons nous assurer que l'activité qui restera dans la maison mère sera strictement encadrée.

Je sais par ailleurs que la question des produits toxiques est une préoccupation pour les collectivités locales, et je la partage. S'il est possible de légiférer sur ce point, j'y suis ouvert.

Je sais aussi que le trading à haute fréquence suscite des interrogations. Là encore, je souhaite que nous puissions nous assurer que les acteurs soient dûment contrôlés et les activités nuisibles interdites.

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