Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur le fait que notre pays prend l'initiative d'un projet de séparation et de régulation des activités bancaires sur la régulation, soulignant que le Gouvernement tire ce faisant les enseignements de la crise financière et bancaire. Une question vient alors immédiatement à l'esprit : eussent-elles été en vigueur en 2008, les dispositions proposées auraient-elles évité la survenue des crises bancaires en France ? Les exemples suivants conduisent à s'interroger.
Il y a d'abord la faillite du Crédit Lyonnais. Elle était liée à l'activité classique d'un établissement qui prête à des promoteurs immobiliers et aussi, beaucoup, à des entreprises dont les difficultés sont telles qu'elles ne peuvent rembourser les emprunts souscrits ; mais l'actionnaire était la puissance publique, qui orientait les interventions de cet établissement. Il y a ensuite la déconfiture de Dexia, qui a deux origines. La première est un problème structurel révélé, c'est exact, par la crise financière – des prêts longs refinancés sur une durée courte par le bais des marchés financiers, ce qui entraîne une crise de liquidité. Mais en l'an 2000 déjà, la banque avait pris la décision aventureuse d'acquérir Financial Security Assurance, une société américaine de rehaussement de crédit ; son actionnaire de référence était la Caisse des dépôts et consignations, et il ne s'agit pas d'un problème lié à des activités de marché. Pour ce qui est enfin du Crédit immobilier de France, le problème est aussi celui de la structure des financements longs et courts.
En disant cela, je ne cherche pas à démontrer que le projet de loi est inutile – je le tiens pour tout à fait utile. Le paradoxe tient à ce que nous entendons, les premiers, faire entrer en vigueur un texte de cet ordre alors que nous avons une histoire de déboires bancaires dont le déroulement échappe aux dispositions du titre I qui règlent la séparation des activités. On peut penser en revanche que les dispositions du titre II, qui renforcent les pouvoirs de l'autorité prudentielle, auraient permis d'agir.
Ayant entendu Mme la rapporteure et Mme la rapporteure pour avis, je souhaite par ailleurs apporter quelques précisions sur l'« après 14 septembre 2008 » en France. Ce jour-là, nous avons été confrontés à une difficulté inédite, venue des États-Unis : la faillite de la banque Lehman Brothers. La réaction immédiate des pouvoirs publics français a été remarquable. Du 20 septembre à mi-novembre, la Commission des finances s'est réunie onze fois. En moins d'un mois, nous avons mis en place la Société française de financement de l'économie et la Société de prise de participation de l'État pour restaurer la liquidité et traiter le volet des fonds propres. Rapporteur général du budget à l'époque, je puis témoigner que les interventions de l'État en garantie et en injection de quasi fonds propres – que les banques ont remboursés le plus vite possible –- lui ont rapporté, puisqu'elles étaient rémunérées. En revanche, nous essuyons une très forte perte avec Dexia.
Face à un problème mondial et a fortiori européen, il est bien d'avancer, et je pense comme vous, monsieur le ministre, que nos voisins européens ont un intérêt à accompagner notre démarche ; mais nous ne devons surtout pas prendre des dispositions qui nous feraient perdre de la compétitivité et des emplois. Nos banques n'ont pas failli, elles continuent d'embaucher et de créer des emplois, et elles ont relativement bien assuré le financement de l'économie. Nous devrons donc examiner les amendements avec une extrême prudence. L'« esprit d'ouverture » qui vous anime, monsieur le ministre, me préoccupe particulièrement à propos d'un sujet précis : jusqu'à quel point peut-on resserrer l'identification des activités de tenue de marché qui devront être basculées dans la filiale de cantonnement ?
Faute de temps, nous entendrons aujourd'hui les seuls représentants des groupes, et la réponse que leur fera le ministre.