Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 30 janvier 2013 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Vous m'avez interrogé, monsieur le président, sur le périmètre de la filiale de cantonnement. J'ai entendu parler de ce que vous auraient dit les banquiers à ce sujet ce matin ; je me méfie de la rhétorique qui peut soit pousser à un extrême vers lequel on ne peut pas aller, soit tendre à vider le projet de loi de son sens.

Les chiffres doivent être replacés dans leur contexte. Depuis le déclenchement de la crise, les banques ont très fortement réduit leur activité spéculative pour compte propre, ce dont nous ne nous plaindrons pas. Mais la réforme doit être jugée en fonction de ce que ces activités représentaient juste avant la crise et de ce qu'elles pourraient représenter demain si l'exubérance exagérée précédemment constatée reprenait ; nous devons prendre en considération le moment où le risque est maximal. Pour autant, le texte n'est pas figé – je répondrai sur ce point à Mme Karine Berger et à M. Éric Alauzet. Nous ne disposons pas à ce jour d'une estimation très fiable de la part de l'activité bancaire concernée par la filialisation, si bien que la plus grande précaution s'impose. L'exercice est délicat car les chiffres varient beaucoup selon les établissements ; leurs structures d'activités diffèrent, et elles peuvent fluctuer selon les années. En réalité, une évaluation fiable ne pourra être menée qu'une fois arrêté le cadre précis des activités qui peuvent être maintenues au sein de la maison mère. Les premières évaluations sont donc, par force, faites au strict minimum. J'ai cependant la conviction que les chiffres seront finalement plus élevés que ceux auxquels les banques elles-mêmes s'attendent aujourd'hui.

Je tiens à assurer Mme Berger et Mme Rabault que nous veillerons à ce que la tenue de marché ne masque pas les activités spéculatives. J'attends à ce sujet des amendements parlementaires.

Monsieur Lamour, en ma qualité de ministre de l'économie et des finances, je suis attaché à la compétitivité de l'économie française et je tiens à ce que nos entreprises soient financées dans des conditions satisfaisantes. Le projet qui vous est soumis ne vise en aucune manière à affaiblir notre compétitivité. Dans le même temps, le texte doit être ferme et précis pour permettre à l'État de manier les ciseaux évoqués par Mme Berger. Nous avons défini un état initial, mais l'on peut imaginer aller au-delà ; le curseur peut être déplacé en fonction des paramètres choisis. Selon les premières estimations, qu'il faut, pour les raisons que j'ai dites, apprécier avec prudence, les activités visées par la séparation peuvent représenter, en moyenne, de 3 à 5 % du chiffre d'affaires des activités de marché des banques, et jusqu'à 10 % pour les banques les plus engagées dans ce domaine. Mais si l'on appliquait les dispositions proposées au niveau d'activité des banques dans leur format d'avant la crise, cette proportion s'élèverait à 15 % en moyenne, et de 20 à 25 % pour les banques les plus engagées dans les activités visées par la séparation. Si la réforme avait préexisté à la crise, elle aurait donc conduit à cantonner une part significative des activités bancaires, et surtout la part qui a donné lieu au gros des pertes. J'ai indiqué être prêt à envisager des amendements visant à s'assurer que les activités spéculatives sont effectivement cantonnées et non pas dissimulées dans les activités de tenue de marché ; l'adoption d'amendements en ce sens aura un impact mécanique sur la taille de la filiale. En résumé, je comprendrais que le débat aboutisse à l'élargissement raisonnable de la taille de la filiale. Ainsi parviendrions-nous à concilier les différents intérêts que nous devons préserver.

Vous avez rappelé, monsieur le président, les crises traversées par Dexia et le Crédit immobilier de France, en leur donnant une explication avec laquelle je ne suis qu'à moitié d'accord. Ces crises sont liées à des problèmes de liquidités, ce qui me conduit à recommander que l'on ne jette pas trop facilement aux orties l'accord Bâle III, qui propose notamment des ratios de liquidité appropriés. J'y insiste : on peut calibrer le dispositif plus précisément, mais il ne faut pas penser que le monde « d'avant » était un monde idéal.

Les exemples que vous avez évoqués, monsieur le président, ne signifient pas que le texte est inutile : il servirait par exemple en cas de crises provoquées par des pertes dues au trading des banques pour leur compte propre. Surtout, le volet « résolution » du projet permettra aux autorités publiques de prendre la main, de manière que les actionnaires et les créanciers soient appelés avant le contribuable, et aussi que l'on puisse révoquer certains dirigeants dont le comportement n'aurait pas été responsable.

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