C'est que nous avons dû, M. le gouverneur de la Banque de France et moi-même, agir par la persuasion là où nous aurions préféré pouvoir agir par la loi ; cela aurait été plus simple dans certaines situations que nous continuons de traiter dans la douleur.
Il est vrai que le soutien apporté par l'État aux banques françaises a, le plus souvent, été profitable, en particulier pour ce qui est de la rémunération de la garantie. Le cas de Dexia fait exception à cette règle, et la participation des créanciers, en plus de celle des actionnaires, aurait permis d'alléger la facture. Je ne prétends pas que le texte soit parfait, mais les dispositions proposées, si elles avaient existé, auraient donné aux pouvoirs publics des outils fort utiles dans ce type de situation précisément. Ainsi, le projet a été conçu pour éviter la reproduction de l'affaire Kerviel, accident scandaleux. Je suis convaincu que si les mesures proposées avaient été en vigueur à l'époque, elles auraient permis de limiter très fortement les pertes de la Société générale ; toutefois, comme il s'agissait d'une fraude, il est difficile d'être plus catégorique.
Pour tout ce qui va dans le sens de l'encadrement des activités des marchés et par exemple de l'activité de trader, des amendements peuvent être envisagés. Le superviseur bancaire devra approuver les mandats donnés par la banque à chacun des bureaux de négociation ; je vous l'assure, certains moyens d'encadrement n'auraient pas été inutiles lors du déclenchement de la crise. Je ne sais si les dispositions que nous vous soumettons auraient tout évité, mais en tout cas aurions-nous eu plus d'armes à notre disposition.
Mme Karine Berger et M. Éric Alauzet m'ont interrogé sur l'évolution de la réforme dans le temps. Ce projet de loi n'est pas un texte de circonstance. Il est dans notre intérêt de tirer les premiers pour renforcer notre position au niveau européen. Un jour, peut-être, évoquerons-nous ensemble les questions traitées par le Conseil « Affaires économiques et financières » – ECOFIN – et par l'Eurogroupe. Oui, la France est en pointe, et nous avons ainsi obtenu des résultats à propos de la supervision : notre position a été le fer de lance de l'accord trouvé. Avec le texte que je vous présente aujourd'hui, nous suivons la même démarche. Mais un texte de cette nature doit évoluer pour tenir compte des mutations techniques induites par l'imagination fertile des banquiers ainsi que des réglementations européennes futures. Le projet doit donc être considéré pour ce qu'il est : un cadre durable mais qui sera sans aucun doute amené à évoluer.
Vous m'avez également interrogé sur l'imbrication du projet de loi avec la réforme européenne à venir. Depuis l'élection présidentielle en France, une évolution très marquée vers l'union bancaire s'est fait jour. Alors qu'avant le Conseil européen des 28 et 29 juin, une telle perspective n'était tout simplement pas évoquée, en quelques mois le volet « supervision » a été mis sur les rails, et le volet « résolution et garantie des dépôts » est en discussion, l'objectif étant d'aboutir mi-2013. Sous l'impulsion française, la volonté d'avancer vite est réelle. Le projet de loi qui vous est soumis est un texte précurseur, qui concerne tous les volets de la future union bancaire européenne. Nous attendons un projet de directive sur la réforme bancaire au printemps et nous examinerons avec intérêt la position de M. Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services, sur le rapport Liikanen. Nous devons être précis et stricts, mais aussi réalistes : on ne peut dire que la tenue de marché dans son ensemble soit nocive au financement de l'économie. Le débat est en cours, mais les chances sont minces que le projet d'union bancaire soit adopté avant le terme du mandat de la présente Commission européenne. La France soutiendra évidemment la réforme, et M. Barnier aura tout notre soutien. Je souligne à nouveau toute l'utilité des accords de Bâle, qui renforcent la solidité des banques et préviennent les crises de liquidité, mais nous devons aussi veiller à ce que la réforme ne conduise pas à affaiblir le financement de l'économie. Un équilibre doit donc être trouvé, qui passe par un accord sur le calibrage des ratios ; il conviendra, pour trouver un compromis, de les assouplir, mais il est important que les banques, françaises en particulier, les respectent, et qu'elles aillent même au-delà si possible.
Mme Axelle Lemaire a évoqué les conséquences du texte pour les consommateurs. Le projet prévoit le plafonnement des commissions d'intervention pour les populations les plus fragiles, sur lesquelles ces frais s'accumulent et qui ont le moins de moyens pour les régler. La mesure a été conçue dans un souci d'efficacité. Certains, je le sais, demandent qu'elle soit de portée générale, et s'applique à tous les clients. Je comprends la motivation qui les anime et je suis prêt à discuter d'amendements à ce sujet. Je rappelle toutefois qu'un plafonnement général, s'il est mal calibré, peut avoir des effets pervers et des conséquences négatives pour les clients. On ne peut négliger le risque que les frais théoriquement supprimés ne soient en réalité transférés sur d'autres opérations et que l'on assiste par exemple à la multiplication des rejets et des incidents de paiement, ou à l'augmentation d'autres coûts. Il serait paradoxal que le client soit finalement victime de la réforme. Je suis ouvert à des aménagements, mais la mesure doit être équilibrée, de manière que le consommateur en profite et que les banques ne contournent pas des dispositions qui auraient été mal définies. Je suis persuadé que nous y parviendrons.
D'autres mesures en faveur des consommateurs figurent dans le projet, qui concernent la transparence du coût des assurances garantissant un crédit, le droit au compte et le surendettement.
Mme Axelle Lemaire souhaite un contrôle parlementaire du Conseil de stabilité financière. Je suis d'autant plus favorable à ce que le président de Conseil soit auditionné par le Parlement que ce président est le ministre… Je suis plus réservé, en revanche, à l'idée qu'un représentant de l'État siège au conseil d'administration d'une banque dans laquelle il doit intervenir, les mesures proposées visant précisément à ce que l'État ne soit pas en première ligne - c'est pourquoi le projet prévoit l'intervention du Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Toutefois, si, en fin de course, l'État devait prendre une participation au capital d'une banque, il devrait être représenté à son conseil d'administration.
Je suis également ouvert à des amendements relatifs à la composition du Conseil de stabilité financière. La nouvelle Autorité, appelée à prendre des décisions majeures, doit être composée d'un nombre de membres assez limité pour faciliter la prise de décision. Il doit s'agir, bien entendu, de personnalités qualifiées, et l'on veillera à éviter tout conflit d'intérêts, de manière que le Conseil prenne ses décisions en complète indépendance. Sous réserve que ces critères soient respectés, on peut envisager que sa composition évolue.
Jusqu'à quel point peut-on resserrer l'identification des activités de tenue de marché ? Des critères objectifs permettent d'identifier la tenue de marché utile et de s'assurer qu'elle apporte des liquidités au marché ; cela peut figurer dans la loi sans que la compétitivité des banques soit remise en cause comme le craint M. Lamour. Je fais confiance aux parlementaires pour proposer à ce sujet des amendements que je suis prêt à examiner.
Monsieur de Courson, nous avons bel et bien interdit certaines activités purement spéculatives et nous avons pris des dispositions visant à mieux les définir. Cependant, le texte est conçu de manière graduée. Sont interdites les activités nuisibles à l'économie telles que le trading à haute fréquence - qui permet à la banque de spéculer pour son propre compte - et la spéculation pour compte propre sur les matières agricoles. Le champ de l'interdiction pourra être défini encore plus précisément. Les activités qui ne sont pas utiles à l'économie sont isolées pour éviter qu'elles ne mettent en péril les autres activités de l'établissement ; c'est le principe de la filialisation.
Le périmètre défini étant celui du groupe consolidé, les filiales des groupes bancaires français à l'étranger, tout comme les filiales françaises de groupes étrangers, entrent dans le champ de la loi. Le plan de résolution agira donc sur les filiales à l'étranger.