Intervention de Gérard Leclercq

Réunion du 30 janvier 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Gérard Leclercq, directeur des opérations France de Renault :

C'est bien là notre objectif : nous souhaitons améliorer notre performance globale et rendre nos sites français plus attractifs, notamment pour nos partenaires. Nous avons conclu un accord avec Nissan et allons construire pour son compte un véhicule en Corée du Sud. Cette production contribuera au volume de 80 000 véhicules supplémentaires par an que j'ai évoqué précédemment.

Quant au coût du travail, c'est un élément important, en France comme ailleurs. Je le répète : nul ne peut se permettre d'être en deçà des références légales. Alors que, dans certaines de nos usines, le temps de travail hebdomadaire est plutôt de 32 heures, notre proposition consiste à revenir aux 35 heures. Elle n'a d'ailleurs pas été contestée. C'est en effet un changement notable, mais il s'agit non pas d'aligner le temps de travail dans toutes nos usines à la date de la signature de l'accord, mais de poser le principe d'un retour aux 35 heures, puis d'en définir ensemble les modalités.

L'accord que nous négocions n'anticipe pas l'accord national interprofessionnel. Ce dernier traite des mutations, alors que nous discutons, chez Renault, de détachements temporaires. Il ne s'agit nullement d'une modification substantielle du contrat de travail, mais d'une mobilité limitée dans l'espace et dans le temps. Nous prévoirons, d'une part, des moyens d'accompagnement et négocions, d'autre part, les critères qui seront pris en compte pour ces détachements temporaires.

L'État est, fort heureusement, venu à notre secours, à un moment où les banques ne le faisaient pas. Il a accordé à Renault non pas cinq, mais trois milliards d'euros. En outre, il s'est agi non pas de subventions, mais de prêts, dont le taux d'intérêt était d'ailleurs élevé. Nous les avons, depuis, intégralement remboursés.

Notre stratégie, je le rappelle, consiste à maintenir notre empreinte industrielle en Europe. Il n'est pas justifié de parler de délocalisations en Espagne ou en Slovénie : Renault est implanté dans ces deux pays depuis plus de quarante ans. Il s'agit de productions non pas délocalisées au détriment des sites français, mais affectées dans le cadre normal des renouvellements de produits. Ainsi, notre usine slovène a fabriqué, au cours de son histoire, différents véhicules de la marque Renault et produit, aujourd'hui, un modèle de Twingo. De même, nous avons affecté des productions à nos deux sites d'assemblage espagnols, en application d'accords passés avec eux. Leur niveau d'activité a d'ailleurs été comparable – ce n'est plus le cas aujourd'hui pour l'un d'eux – avec celui des sites français. Le dernier accord que nous avons conclu pour affecter une production supplémentaire en Espagne concerne notre site de Palencia. Très équilibré, il constitue un exemple d'accord donnant-donnant.

Pour ce qui est des investissements, nous disposons aujourd'hui d'un outil industriel tout à fait moderne et avons renouvelé les gammes de nos usines de mécanique. Dans le cadre de notre partenariat, nos collègues de Nissan ont visité récemment notre usine de moteurs à Cléon et ont été séduits par la qualité de nos installations. Sur les années 2011 à 2013, nous allons investir 2 milliards d'euros en France, dont 420 millions d'euros à Douai pour renouveler la gamme et l'outil industriel, actuellement l'un des plus performants au monde.

En matière d'innovation, le groupe Renault a récemment été classée par le Boston Consulting Group (BCG), sur la base d'une enquête qui a porté sur 13 000 sociétés, au trente-quatrième rang des entreprises innovantes dans le monde, et au premier rang des entreprises françaises, devant d'autres groupes très connus. Le BCG a relevé en particulier notre capacité d'innovation et d'investissement sur le long terme. Je rappelle, à cet égard, que 70 % de nos dépenses d'ingénierie sont réalisées en France.

Quant au véhicule électrique, il est difficile de savoir si nous le produisons trop tôt ou trop tard. Quoi qu'il en soit, Renault est le premier constructeur à disposer d'une gamme complète de véhicules électriques. La Kangoo électrique est aujourd'hui non plus un projet, mais une réalité. Le ministre du redressement productif a pu s'en rendre compte en visitant notre usine de Maubeuge – la ville de Maubeuge est d'ailleurs en pointe en matière de promotion du véhicule électrique. Nous lançons aujourd'hui le modèle Zoé, dont le ministre a reçu le premier exemplaire produit à la fin de l'année dernière. Nous ne sommes nullement passifs : nous menons un projet en partenariat avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sur les batteries du futur.

J'ai entendu – ce n'est pas la première fois – le terme de « chantage ». Nous devons êtres réalistes : j'ai rappelé, au début de mon propos, la situation du marché européen. Nous avons engagé une négociation et nous faisons des propositions. Les engagements devront être réciproques. La direction tiendra ceux auxquels elle aura souscrit dans le cadre de l'accord. Je n'ai pas de « plan B » : aucune fermeture de site n'est programmée. On m'a confié la mission – je l'ai acceptée – de travailler aux solutions qui nous permettent d'assurer la pérennité à long terme de toutes nos implantations françaises – industrielles, tertiaires et d'ingénierie. Tel est mon engagement : parvenir à un accord porteur de croissance pour Renault. Je ne me place pas dans la perspective d'un échec et ne suis pas en train d'imaginer une alternative à l'accord. Il n'y a pas de chantage : nous mettons sur la table les engagements que nous sommes en mesure de prendre. De même, les représentants du personnel sont prêts – ils l'ont écrit dans des tracts – à prendre leurs responsabilités.

Vous avez posé une question très pertinente : quid si le marché ne renoue pas avec la croissance ? L'avenir proche sera difficile, nous le voyons déjà. Mais il y a une certitude : le marché repartira à la hausse, tôt ou tard. Nous devons nous y préparer dès maintenant, pour être prêts à temps. Le pire serait de détruire aujourd'hui un outil industriel qui nous ferait défaut demain. Je ne veux pas prendre cette responsabilité.

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