C'est une possibilité, qui n'est même pas réservée aux pays spatiaux : il suffit d'avoir un missile balistique que l'on tire à la hauteur voulue. Mais ce serait un acte de guerre. On touche ici aux limites d'une vision strictement militaire de la sécurité spatiale. Un pays qui ne disposerait pas de moyens spatiaux peut tout à fait procéder au lancement d'un satellite dans un cadre civil et ouvert ; imaginons qu'un accident survienne, que le troisième étage du lanceur explose dans une orbite très fréquentée et produise des millions de débris. Est-ce une attaque ou un accident ? Comment en juger ? Tous les pays qui ont développé des programmes de lanceurs ont eu des accidents de ce type. Pour les éviter, il faut recourir à des technologies particulières qui permettent de passiver les étages et ne sont pas à la portée du premier venu.
Mais vous avez raison, ce genre d'explosion sur une orbite à 800 kilomètres – l'orbite circulaire la plus stable – crée plus qu'une perturbation : elle nuit directement à des dizaines de satellites et produit des débris dont les plus petits ne sont pas visibles. Les meilleurs systèmes détectent les débris de dix centimètres ; or, pour quelques dizaines de milliers de débris de dix centimètres ou plus, il en existe des centaines de milliers qui mesurent un à dix centimètres. Ces derniers représentent un risque contre lequel il est impossible de se prémunir, car on ne peut pas blinder un satellite contre un débris d'un centimètre.
Il est de notre responsabilité collective de nous limiter en ce domaine. Un acte tel que celui que vous évoquez serait très problématique, mais il n'a pas besoin d'être ouvertement militaire : il peut être dissimulé sous l'apparence d'une explosion accidentelle. Cela confirme la nécessité d'une véritable transparence des activités spatiales et de leur contrôle – une tâche très difficile. L'espace pourrait tout à fait être le lieu d'une guerre asymétrique, sans qu'il faille pour cela tirer beaucoup de missiles.