Intervention de Xavier Pasco

Réunion du 25 mai 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Xavier Pasco, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique :

Un missile qui explose en faisant des dizaines de milliers de débris crée déjà une perturbation ; a fortiori deux ou trois. C'est le nombre de débris qui compte, non le nombre de missiles. Un seul missile qui se fragmenterait considérablement ferait d'innombrables victimes en orbite basse, indistinctement militaires et civiles. On ne pourrait se protéger contre ces débris. Il faut réfléchir à cette vulnérabilité, qui n'est pas facile à gérer.

Quant au risque de saturation, il est souvent opposé aux entreprises qui veulent déployer de grosses constellations. L'une de leurs principales préoccupations est d'ailleurs de montrer aux régulateurs de l'espace qu'elles sont capables de contrôler ces constellations. Planet Labs, la petite société à laquelle j'ai précédemment fait allusion et qui a déjà lancé en orbite plus de 133 CubeSats – de tout petits satellites qui ne peuvent pas manoeuvrer beaucoup –, y travaille sans cesse ; elle a même été signalée cette année aux États-Unis comme l'une des entreprises les plus éco-responsables dans l'espace. Cela suppose un ensemble de techniques de suivi permettant de savoir en permanence où sont les objets et de rester en lien avec le réseau de surveillance de l'espace, pour une gestion totalement transparente.

Aux États-Unis, on commence à entendre dire que le trafic spatial ne doit plus être géré par les militaires mais par la Federal Aviation Administration (FAA), l'autorité de régulation aérienne, et le transfert est en train de s'opérer. Cette évolution est emblématique de la manière dont les Américains conçoivent aujourd'hui l'espace : comme une sorte de commodité.

Le risque de saturation est à l'arrière-plan de ces changements dans la gestion de l'espace ; c'est effectivement un point critique. On ne sature pas une orbite avec des centaines de satellites, mais certaines orbites sont déjà beaucoup plus fréquentées que d'autres – ce n'est pas le cas de l'orbite concernée par OneWeb, qui se situe à 1 200 kilomètres environ. Quoi qu'il en soit, il va falloir appliquer des règles.

Quant à l'exploitation des ressources spatiales, elle fait l'objet de projets et une loi signée par le président Obama fin 2015 autorise des sociétés commerciales à se livrer à cette activité sur des corps célestes. Le problème est que cette loi n'est pas tout à fait conforme aux traités internationaux, notamment le traité de 1967 ainsi que le traité sur la Lune, qui régit les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes – mais que les Américains n'ont pas signé. L'appropriation que suppose cette exploitation des astéroïdes crée une difficulté. C'est aujourd'hui le principal sujet de réflexion des spécialistes du droit spatial, qui organisent conférence sur conférence à ce sujet. Deux sociétés sont en pointe dans ce secteur : Planetary Resources Incorporated et Deep Space Industries ; elles sont en train de construire des satellites destinés à cartographier les astéroïdes et identifier parmi eux les meilleurs candidats à une exploitation industrielle. Ce n'est pas pour demain, mais cette idée commence à occuper les esprits, et des textes propres aux États-Unis – dont l'effet sur les réglementations internationales reste à déterminer – prennent corps à Washington. Mais tout cela est encore très largement prospectif.

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