C'est pour moi un honneur et un plaisir d'être parmi vous. Le Moyen-Orient connaît en effet une situation très difficile et la crise risque de durer encore quelque temps car de nombreux facteurs concourent à cette malheureuse situation. Le vrai défi est que le monde s'intéresse réellement à ce qui se joue et se montre plus responsable. Ceux qui font véritablement la guerre au terrorisme ne sont pas si nombreux : la France, l'Égypte, et peu d'autres pays. Vous y contribuez par l'opération Barkhane et par votre participation à la coalition au Levant. Nous menons cette guerre sur notre propre sol, dans la péninsule du Sinaï, et nous y contribuons en Libye, sans voir de renforts venir.
Je suis toujours surpris quand j'entends dire : « Nous allons combattre le terrorisme en Syrie et en Irak, mais pas en Libye ». C'est comme si, dans une maison infestée par les rats, on décidait de ne traiter que quatre pièces sur six ; nul besoin de s'appesantir sur ce qu'il adviendrait ! De plus, on nous demande fréquemment si nous sommes vraiment inquiets pour l'Égypte ou si nous considérons que le danger n'est pas imminent et qu'il est pour les autres. Mais la Méditerranée nous lie ! La Libye risque de se transformer en un véritable enfer pour tous ; on n'a encore rien vu de la dangerosité latente de ce pays sans État, sans pouvoir et sans gouvernement. À tort ou à raison, la communauté internationale a multiplié la création de gouvernements en Libye et l'Égypte a soutenu ce processus ; seulement, aucun n'a de pouvoir, et rien ne changera qu'il y en ait un quatrième, un cinquième ou un sixième. En l'état, la Libye a un gouvernement « d'union nationale » incapable de siéger dans la capitale et d'assurer sa propre sécurité.
L'Égypte s'étonne d'entendre parler de ses supposées ambitions en Libye – en Cyrénaïque par exemple. Notre seule ambition est de voir régner la sécurité et la stabilité dans la région. L'économie de notre pays dépend des redevances versées par les compagnies maritimes qui empruntent le canal de Suez et du tourisme ; ces deux sources de recettes supposent la stabilité régionale. Pour l'instant, nous tirons toujours des revenus du canal de Suez, mais les ressources issues du tourisme sont pratiquement taries. De plus, deux millions d'Égyptiens travaillaient en Libye.
Notre unique priorité, mais elle est absolue, est de nous prémunir de Daech, organisation terroriste qui se trouve dans ce pays avec lequel nous partageons 1 200 kilomètres de frontières très difficilement contrôlables. Nul ne connaît précisément le nombre de réfugiés présents en Libye, mais toute l'Afrique pourrait être tentée de profiter de l'absence d'État dans ce pays. Cela signifie que, potentiellement, de 20 000 à 30 000 immigrants pourraient tenter de traverser la Méditerranée tous les jours pendant huit mois – et, parmi eux, des dizaines de terroristes qui ne seront pas nécessairement repérés comme tels.
Notre objectif, réaliste, est que le terrorisme y soit combattu. Or, qui est prêt à aller mourir sur le sol libyen à cette fin, sinon l'armée libyenne et le général Khalifa Haftar ? C'est son devoir de libérer son territoire, et ce l'est d'autant plus que personne d'autre n'est prêt à le faire. Ni l'Égypte, ni la France ne s'aventureront en Libye avec des forces terrestres. Pour ce qui nous concerne, nous interviendrions dans le cadre légitime d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, mais jamais seuls. Aussi longtemps qu'une telle résolution n'existe pas…
Le général Haftar est un vrai nationaliste et un bon militaire prêt à faire la guerre contre le terrorisme, et il souhaite seulement qu'on l'aide à la faire. Le général Haftar subit un embargo sur les armes et les munitions mais qu'il fait malgré tout la guerre contre Daech et les autres groupes terroristes.
En résumé, nous soutenons le gouvernement libyen d'union nationale et nous espérons qu'il pourra faire quelque chose, mais nous constatons qu'il est incapable de s'établir dans la capitale, et nous appelons votre attention sur le fait que sa composante islamiste n'acceptera jamais une intervention étrangère. Si l'on souhaite vraiment combattre le terrorisme, c'est donc le général Haftar qui devra le faire.