Les bases aériennes duales, comme c'est le cas à Dijon et à Tours, n'ont de sens que s'il existe une véritable demande. Nous devons exploiter au mieux les nombreux aéroports français, les rentabiliser et valoriser la ressource foncière de nos bases afin de regrouper des unités et de constituer des pôles étatiques pour aller jusqu'au bout de l'idée de base de défense. Nous avons ainsi proposé au ministère de l'intérieur l'installation de canadairs à Salon de Provence – projet qui n'a pas encore été avalisé car d'autres projets sont en concurrence. En outre-mer, où nous avons fermé plusieurs structures, il nous faut assurer la continuité territoriale et être capables de mener nos actions en conservant sur place le minimum de moyens nécessaires à l'utilisation de nos avions militaires quelles que soient les circonstances – par exemple en cas de catastrophe naturelle, comme en Haïti.
Nous menons régulièrement des missions d'entraînement à Solenzara, magnifique point d'appui – ce fut le cas pour l'Afghanistan ou pour la préparation opérationnelle de campagnes de tir. Comme nous travaillons à flux tendu, tous les moyens supplémentaires que nous pourrions positionner à Solenzara deviendraient indisponibles pour notre entraînement quotidien. Lors de l'opération Harmattan, nous avons démontré notre capacité à projeter très rapidement des moyens supplémentaires sur cette base, équipée en outre d'un dépôt de munitions.
Le retrait des Mirage 2000D d'Afghanistan a été effectué très rapidement – en trois jours –, illustrant, là encore, la réactivité de l'armée de l'air dès lors qu'elle dispose des avions de transport nécessaires.
S'agissant des effectifs, les réformes qui touchent l'armée de l'air impliquent une mutualisation de nos fonctions de soutien et une certaine forme d'externalisation. Ces réformes valorisent par ailleurs naturellement l'encadrement de haut niveau, seul capable de peser par exemple dans des institutions comme l'OTAN, que nous venons de réintégrer. Elles ont donc entraîné la suppression d'emplois moins qualifiés plutôt que d'emplois de sous-officiers, véritable épine dorsale de l'armée de l'air, et par conséquent un certain surencadrement temporaire qui ne me paraît néanmoins pas pléthorique. Gérer les ressources humaines ne consiste pas simplement à se préoccuper des chiffres : il faut aussi prendre en compte les compétences. Il importe de ne pas désespérer ces femmes et ces hommes, très compétents, que nous avons nous-mêmes formés. Je l'ai dit, l'armée de l'air a maîtrisé sa masse salariale. Certes, la Cour des Comptes est dans son rôle et nous devons tenir compte de ses remarques, mais son analyse est une photographie instantanée occultant le passé et l'avenir.
Je ne suis pas un apôtre de l'externalisation à tous crins. Celle-ci, cependant, lorsqu'on y recourt à bon escient, nous permet de continuer à assurer des fonctions qui ne doivent sans doute plus relever de notre responsabilité. L'externalisation est positive si elle nous permet de dégager des moyens pour d'autres missions. Ainsi, l'externalisation par l'armée de l'air de sa flotte d'avions d'entraînement à Cognac est rentable et efficace : elle nous a permis de concentrer ceux de nos mécaniciens qui travaillaient sur les avions d'entraînement sur nos avions de première ligne. En revanche, l'expérience montre qu'elle est discutable dans des domaines tels que la restauration ou le soutien. En outre, l'externalisation engendre une perte de souplesse car les personnels des sociétés privées, contrairement à nos hommes qui s'investissent beaucoup sans compter leur temps de travail, ne sont pas disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sauf à le préciser dans le contrat et à en subir les coûts élevés. Cela étant, nous n'avons pas externalisé à outrance : nous avons au contraire réussi à continuer d'assurer nos missions régaliennes afin de permettre à nos bases aériennes, en particulier celles qui participent à la mission de dissuasion nucléaire, de fonctionner en autarcie si nécessaire.
Affirmer qu'une armée n'est pas capable de tenir ses contrats opérationnels dans le long terme, équivaut à dire que notre pays est incapable de soutenir ses armées et de les aider à se régénérer. Or nous avons toujours été présents en temps et en heure dans toutes les opérations récentes. Cela étant, si notre armée est capable de fournir des efforts très importants dans le court terme, il est vrai que les contrats les plus exigeants sont hors de portée dans la durée. Ainsi, ayant soutenu que notre intervention en Libye serait une opération de long terme, j'ai demandé à l'armée de l'air d'être capable de la mener pendant six mois minimum. Au-delà, cela devient une mobilisation générale. Avoir les moyens de ses ambitions et définir des ambitions raisonnables sont des objectifs qui seront débattus dans le cadre du Livre blanc.
Lorsqu'en juin, j'ai constaté que le logiciel de soldes qui devait être implanté dans l'armée de l'air au mois de septembre n'était pas suffisamment fiable, j'ai obtenu du ministre de la défense le report de son emploi en mars 2013. Je rappelle que le système actuellement utilisé par l'armée de l'air est fiable à 99 %. Le nouveau système interarmées a de grandes vertus mais doit être bien conçu. Nous l'avons déjà utilisé et en avons obtenu plus de 80 % de réussite. Cet exemple montre, une fois encore, que les réformes doivent être « pilotées » sans précipitation afin que nous puissions nous y adapter au fur et à mesure tout en gardant en tête notre objectif.