Intervention de Jean-Marie Tetart

Réunion du 8 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » a considérablement amélioré l'information des consommateurs et leurs possibilités de recours contre les pratiques abusives. Toutefois, elle n'empêche pas que se perpétuent des comportements inadaptés, assez répandus et auxquels certaines dispositions insuffisamment précises – et surtout non assorties des moyens visant à contrôler leur mise en oeuvre – n'ont pu mettre fin.

La proposition de loi que je vous soumets aujourd'hui complète les apports de la loi Hamon par une réflexion qui vise à améliorer la loyauté des pratiques commerciales au bénéfice des consommateurs, et qui m'a également conduit à déposer une proposition de loi relative à la clarification des règles encadrant les contrats d'assurance emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier.

Ces deux propositions sont inspirées par une même préoccupation : l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages. Tandis que celle-ci tend à mieux garantir le remboursement des taxes d'aéroport au consommateur qui n'a pas pu prendre son vol, la seconde le protège du risque de devoir continuer à rembourser l'assurance adossée à un prêt immobilier, malgré la fin de ce dernier. Toutes deux ont la même philosophie : loin de vouloir créer une polémique, elles visent à améliorer la vie quotidienne des Français par l'instauration de dispositifs de bon sens. Je m'inscris donc dans une démarche de consensus.

Les taxes d'aéroport représentent une partie parfois non négligeable du prix final d'un billet d'avion. Pourtant, deux constats s'imposent aujourd'hui. Premièrement, la composition du prix des billets d'avion reste la plupart du temps inconnue des consommateurs. Suivant les moyens d'acquisition du billet et selon les compagnies aériennes, la personne achetant un billet est peu, voire pas du tout informée sur ce qui relève du prix du vol lui-même, et des taxes et surcharges adossées à ce vol.

Par ailleurs, les consommateurs sont également peu nombreux à connaître leur droit à remboursement de certaines taxes en cas d'annulation de leur trajet, alors qu'une simple demande formulée auprès du vendeur du billet permet ce remboursement.

Ces deux constats justifient la présente proposition de loi : face à l'absence de transparence des pratiques des entreprises qui commercialisent des billets d'avion –transporteurs aériens, centrales de réservation ou agences de voyages –, un montant non négligeable du produit des taxes est perçu indûment au lieu d'être remboursé au consommateur dont le billet a été annulé.

Le dispositif juridique en vigueur est pourtant déjà relativement complet, puisqu'il se compose d'un règlement européen de 2008, d'un article du code de la consommation, adopté à l'initiative de notre collègue Catherine Vautrin lors de l'examen de la loi Consommation ; d'un autre article prévoyant des sanctions suffisamment sévères, mais largement inappliquées. En résumé, le droit existant prévoit une information sur le droit à remboursement, la faculté de demander ce remboursement gratuitement en ligne si le vol a été annulé, et la garantie d'être remboursé sous trente jours.

Je me dois cependant de vous donner quelques exemples de pratiques qui s'écartent dangereusement de la loi, comme tout un chacun peut le vérifier sur une grande partie des sites de réservation de billets d'avion en ligne : aucune information sur le montant des taxes dans le prix total d'un billet ; une confusion, entretenue par le libellé employé, entre les taxes, redevances et surcharges transporteur – qui ne vont pas à l'État – et ce qui serait une « charge gouvernementale » ou des « impôts publics » ; une mention vague, figurant dans les conditions générales de transport, indiquant que les taxes, dans leur globalité, ne sont pas remboursables ; aucune information sur les modalités de remboursement, pas d'accès à un formulaire en ligne, et aucune précision dans les conditions générales de vente ou de transport ; enfin, un prélèvement forfaitaire sur une demande de remboursement effectuée en ligne, alors que celle-ci devrait être totalement gratuite.

Aujourd'hui, la DGCCRF ne peut pas sanctionner ces pratiques. En effet, en raison d'un oubli juridique dans la loi Consommation, que je souhaite corriger par un amendement, ses agents ne sont pas habilités à enquêter. En tout état de cause, le dispositif actuel ne serait pas suffisant pour améliorer la transparence sur le prix des billets d'avion et garantir une meilleure effectivité du droit à remboursement dont disposent aujourd'hui les consommateurs.

Cette proposition de loi vise donc à combler les lacunes du droit existant. Elle contient un dispositif simple, se déclinant en trois axes : premièrement, la connaissance expresse des consommateurs de leur droit à demander un remboursement en cas d'annulation de leur vol, via un visa explicite au moment de l'achat du titre de transport ; deuxièmement, le remboursement automatique des taxes associées à l'embarquement effectif, si le moyen de paiement utilisé le permet ; troisièmement, enfin, le détail clair et intelligible de l'ensemble des prélèvements obligatoires et surcharges transporteur adossées au prix du billet, ainsi que leur caractère remboursable ou non, au moment de l'achat ainsi que sur le reçu du paiement.

J'ai mené des auditions afin d'aménager ma proposition de loi initiale. Nos échanges ont permis de la compléter au moyen de cinq amendements de fond, que je présenterai dans un instant. L'adoption de cette proposition de loi obligerait sans doute à procéder à quelques adaptations des logiciels de réservation et de suivi des sites comparateurs, mais elle constituerait également, pour les compagnies déjà vertueuses, le gage de ne plus subir une concurrence déloyale dans leur propre pays.

Enfin, la DGCCRF nous a indiqué qu'il lui faudrait un peu de temps pour mettre en place une observation rigoureuse des pratiques des compagnies d'aviation, des émetteurs de billets et des comparateurs, et éventuellement appliquer des sanctions. Je propose donc d'adresser dès maintenant aux professionnels ne respectant ni l'esprit ni la lettre de la loi Consommation un signal fort de notre volonté d'apporter un peu de transparence dans un secteur se caractérisant jusqu'à présent par une opacité très marquée.

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