C'est moi, monsieur le ministre, qui ai proposé cette résolution. Quelles que soient mes amitiés de l'autre côté de la frontière, je n'ai strictement rien contre l'Ukraine : j'ai présidé le groupe d'amitié France-Ukraine pendant cinq ans ; je me suis rendu dans votre pays plus de cinquante fois ; dans les années 1990, j'en ai arpenté les routes avec la fondation Est Libertés et d'autres députés, notamment Claude Goasguen, pour favoriser la formation de partis politiques s'opposant à ce qui restait du parti communiste ; lors de la dernière élection présidentielle, j'ai été impliqué dans la campagne de Mme Tymochenko. De mon point de vue, il est hallucinant que la Russie et l'Ukraine en soient arrivées à un conflit qui a fait environ 10 000 morts. On ne peut, bien sûr, que regretter cette situation.
Permettez-moi de dire très aimablement au député qui vous accompagne, M. Gontcharenko, que je ne suis pas payé par la Russie, contrairement à ce qu'il a déclaré il y a quelques jours à la télévision. Souffrez que, dans ce pays, on puisse avoir des opinions sans être forcément rémunéré ! Cela dit, je suis heureux de l'accueillir aujourd'hui. J'espère qu'il tiendra des propos plus modérés la prochaine fois.
Je préside la mission d'information dont mon collègue Jean-Pierre Dufau est le rapporteur. Nous constatons aujourd'hui que la situation est complètement bloquée. Le cessez-le-feu n'est pas totalement respecté, mais reconnaissons qu'il y a tout de même de grands progrès par rapport à la situation très violente qui prévalait il y a quelques mois. Du côté russe comme du côté ukrainien, on attend que l'autre fasse le premier pas. On se demande qui sera le plus intelligent des deux et fera ce pas. En attendant, des vies humaines sont fauchées, et le fossé qui est en train de se creuser entre vos deux pays promet d'être durable.
À Moscou, nous avons rencontré M. Gryzlov, qui vous accable de tous les maux et attend des avancées de votre part, en particulier l'adoption de la loi accordant l'autonomie aux régions de l'Est – sur lesquelles la Russie n'a aucune revendication territoriale, chacun l'a désormais compris – et celle de la loi d'amnistie. Je vous pose à mon tour la question primordiale déjà soulevée par mes collègues : quand ces textes seront-ils votés à la Rada ? Quel est le calendrier des travaux en la matière ?
On ne reviendra pas sur les causes du conflit, mais je pense que l'Union européenne et certains grands voisins ont leur part de responsabilité. Certes, il ne fallait pas bloquer un accord entre l'Union européenne et l'Ukraine, mais on aurait dû faire en sorte que l'Ukraine trouve sa place, en construisant des relations à la fois avec l'Europe et avec la Russie.
Paradoxalement, je fais partie de ceux qui regrettent qu'on lie la question des visas à des progrès dans la résolution de la crise. C'est, à mon avis, une forme de chantage totalement déplacée. J'ai toujours défendu l'idée d'une libéralisation du régime des visas pour les Ukrainiens comme pour les Russes, ainsi que nous l'avons déjà fait pour les Moldaves. L'Ukraine et la Russie ont vocation à renforcer leurs liens avec l'Europe. Quels que soient nos désaccords en ce moment, il serait bien plus logique d'accorder plus facilement des visas aux Ukrainiens qu'aux Turcs.