Les questions qui se posent à nous sont lourdes de sens, car elles concernent le rapport à la vie. Alors que celui-ci semble généralement joyeux, car une naissance est toujours source de joie, tandis que notre rapport à la mort est toujours douloureux, ici le rapport à la vie dépend de l'instrumentalisation du corps d'autrui en vue de procréer – dans des conditions compliquées, qui n'empêchent pas le phénomène de se développer dans le monde entier.
Plutôt que de « gestation pour autrui », j'aimerais d'ailleurs que l'on parle de « maternité de substitution » : l'expression est plus claire, sans compter que le terme de gestation convient aux animaux, non aux femmes.
La France fait, avec l'Allemagne, figure d'exception : notre droit protège les femmes. La maternité de substitution est interdite en France, et le restera. Le problème est que des enfants sont là, qui ont été, qu'on le veuille ou non, achetés dans un autre pays du monde : on a payé une donneuse d'ovocytes inconnue et une femme qui a porté l'enfant et qui a juridiquement disparu au bout de quelques semaines, voire dès l'accouchement.
De plus, le contexte international est délicat. Ainsi, aux États-Unis, les conventions, longues de soixante à quatre-vingts pages, enrichissent toute une « batterie » de gens de droit qui en font leur métier, alors qu'en Grande-Bretagne aucune convention ni aucun transfert d'argent ne sont possibles. Or de nombreuses GPA ont lieu aux États-Unis, tandis qu'elles se raréfient en Grande-Bretagne, faute de candidates prêtes à s'exposer aux risques d'une maternité – lesquels ne concernent pas uniquement l'accouchement, mais englobent le développement de maladies hormono-dépendantes, par exemple. Le droit sur le foetus, en particulier au moment de l'accouchement, les décisions à prendre en cas de difficulté et la situation de l'enfant ne sont pas non plus stabilisés au niveau international.
Si les questions posées sont donc pertinentes, il ne me paraît pas possible de les résoudre par ces deux textes principiels, qui n'abordent pas les problèmes techniques, fondamentaux, charnels auxquels pourraient être confrontées les femmes. En France, celles-ci sont protégées ; mais le sort de l'enfant reste pendant, étant donné les décisions de la CEDH. Les procureurs traitent les situations au cas par cas ; c'est très bien ainsi. Nous ne sommes pas prêts à nous engager dans ce débat jusqu'à son terme, qu'il s'achève par un oui ou par un non.