Intervention de Erwann Binet

Réunion du 8 juin 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet :

J'abonderai pour ma part dans le sens de Mme Le Dain.

La proposition de loi constitutionnelle me semble totalement inutile : l'indisponibilité du corps humain est un principe solide de notre droit, dont les contours sont précis et stables, et qui a valeur constitutionnelle puisqu'il découle du préambule de la Constitution. En modifiant cet équilibre, nous risquons de remettre en cause la force du principe et son champ d'application, ainsi que toutes les exceptions à celui-ci. À cet égard, vous avez parlé du don du sang, monsieur le rapporteur, mais vous aviez aussi évoqué au cours des auditions la recherche sur les embryons surnuméraires, les expérimentations médicales, l'interruption volontaire de grossesse et le don d'organes. Prenons donc garde de toucher à l'équilibre actuel, même si je ne doute pas de vos bonnes intentions.

J'en viens à la proposition de loi ordinaire. S'agissant d'abord de l'alourdissement des peines – dont nous avons déjà longuement discuté en examinant ici même, il y a quelques mois, la proposition de loi de notre collègue Leonetti –, j'ai de sérieux doutes, dès lors qu'un désir d'enfant est en jeu, quant au pouvoir dissuasif des sanctions que nous pourrions inscrire dans le code pénal, quelles qu'elles soient.

Par ailleurs, il est très difficile de prouver l'existence d'une GPA. La raison actuelle d'un refus de retranscription est la suspicion de GPA ; or, pour justifier une peine pénale, il faut plus qu'une suspicion. Le fait que, sur l'acte de naissance, le père soit français et la mère indienne, par exemple, ne suffit pas à établir formellement qu'il y a eu GPA.

Est-ce dans l'intérêt de l'enfant que l'on mette ses parents en prison ? Sur ce point aussi, j'ai quelques doutes.

Surtout, les parents risquent de chercher à contourner cette loi par des méthodes encore plus secrètes, encore moins encadrées, encore plus inacceptables.

Mme Boyer, vous proposez d'interdire de présenter le recours à la GPA sous un jour favorable. Ce pourrait être intéressant si les propos que vous avez tenus au cours des auditions n'éclairaient pas votre intention d'un jour nouveau : vous n'avez cessé de faire référence à un reportage diffusé il y a quelques semaines sur France 2, réalisé par des journalistes parfaitement indépendants, et qui n'avait rien d'un publireportage sur les agences de GPA. Je ne vous suivrai pas sur cette voie : nous n'avons pas à empêcher les journalistes de faire leur métier ; la liberté de la presse est un principe important dans notre pays.

Enfin, l'article 3, que vous proposez d'amender, annulait dans sa version initiale la valeur probante de l'acte de naissance étranger dans ses effets en France. S'il est assurément contestable de parler de « fantômes de la République », votre intention était ici tout bonnement d'en créer ! Cette idée a naturellement été critiquée par les plus motivés des participants aux auditions, y compris M. Gosselin, à bon droit. Vous la remettez en cause par voie d'amendement, mais je note que plusieurs des personnes que vous avez auditionnées sont favorables à la possibilité, que vous ne les avez pas dissuadées d'envisager, de retirer les enfants à leurs parents d'intention, comme on l'a fait en Italie – un cas qui fera probablement l'objet d'une condamnation de la CEDH au cours des mois qui viennent.

Deux questions se posent à nous. La première est celle de la GPA, dont il faut naturellement garantir et consolider l'interdiction en France par une convention internationale. Le Gouvernement l'a proposé dans l'hémicycle lors de l'examen de la proposition de loi de M. Leonetti et travaille en ce sens. Notre point de vue ne sera pas facile à défendre au niveau international – le Parlement portugais est favorable à la GPA, malgré le veto présidentiel annoncé ce matin –, mais c'est le seul moyen de réussir.

Le deuxième problème, à distinguer absolument du premier, est celui des enfants. Ceux-ci doivent pouvoir jouir de tous leurs droits, quel que soit leur mode de conception, car ils n'y sont pour rien. Je veux le dire aux enfants nés de GPA : il y a ici des gens qui ne sont pas favorables à la GPA, mais qui jamais ne parleront d'eux comme de marchandises ou de produits !

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