Ce sujet difficile touche au plus profond de l'être, particulièrement pour une femme qui a pu avoir des enfants. On sait l'importance que revêt dans une vie et dans une histoire personnelle cette étape de la constitution d'une famille. Certains expliquent que, la question étant délicate à traiter sur le plan législatif, il vaut mieux ne pas l'aborder. Notre Commission a pourtant l'habitude d'examiner des textes difficiles : ainsi, la semaine dernière, nous avons débattu, dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, de ce que l'on pourrait appeler le « délit d'apparence », qui ne me semble pas beaucoup plus simple à traiter que la GPA. Même si le sujet est délicat, le législateur doit prendre position et réaffirmer ses valeurs, quels que soient les mots qu'il emploie, car, en définitive, ceux-ci ont une importance relative comparée à celle des conséquences de la GPA.
Je voudrais soulever plusieurs questions qui m'ont toujours semblé essentielles. Dans quelques années, comment expliquera-t-on à des enfants qu'ils ont coûté 30 000 euros, 60 000 euros ou 120 000 euros en fonction du pays dans lequel ils ont été conçus ? Comment leur expliquera-t-on que leur mère, qui les a mis au monde, a été obligée de se séparer d'eux pour des raisons financières ? On connaît la vulnérabilité des femmes qui pratiquent ces GPA et on sait qu'elles le font pour des raisons financières. Nous devons avoir à l'esprit ces questions importantes qui se poseront dans vingt ans. Nous avons la chance d'avoir travaillé sur des problématiques d'éthique à propos de toutes les évolutions de société : adoption, parentalité, filiation. Nous avons besoin de débattre de la GPA de manière posée, sans forcément considérer que certains pensent bien et d'autres mal. En tant que législateur, nous devons dire ce qui nous semble important pour notre société et trouver les moyens de répondre aux questions que nos concitoyens se posent.
Il ne s'agit pas de pénaliser tel ou tel enfant en raison de son histoire, mais il nous faut constater que les progrès de la recherche médicale, dont nous profitons, passent souvent par un questionnement du médecin sur nos origines et nos antécédents familiaux. Il serait temps de considérer que la vie de quelqu'un est aussi constituée par sa filiation : c'est pourquoi il est important qu'un enfant puisse connaître son histoire. Or la GPA met à mal cette histoire. Même si je comprends leur projet parental, je souhaite bonne chance aux personnes qui y recourent pour expliquer à ces enfants, qu'ils auront accompagnés dans leur éducation, d'où ils viennent et dans quelles conditions ils ont été mis au monde.