Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 8 juin 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

On ne peut débattre d'un sujet sans prendre en compte toute sa complexité. Or, pour être franc, j'ai été un peu déçu et surpris par une présentation à charge d'une question délicate, sur laquelle je n'ai pas d'avis tranché. Si j'ai une opinion particulièrement ferme sur la transcription de la filiation à l'état civil ou sur l'octroi d'une pièce d'identité, que permet la circulaire de Mme Christiane Taubira, ce n'est pas le cas en ce qui concerne la grossesse de substitution, ou GPA.

J'avais pourtant lu avec grand intérêt le rapport rédigé en 2008 par les sénateurs de votre famille politique : bien plus subtil, il se proposait d'encadrer ce qu'il appelait une « gestation altruiste ». Je n'ai pas non plus retrouvé dans vos propos l'écho des débats qui traversent aujourd'hui le mouvement féministe. En soulignant l'illogisme de certains défenseurs de la condition féminine, Mme Bechtel a bien fait de rappeler que la question y est débattue dans des termes plus nuancés et plus complexes que la présentation qu'en font les rapporteurs.

Autre sujet d'étonnement : cette présentation est totalement contraire à l'histoire française de la gestation pour autrui. Dans un très joli livre, L'Empire du ventre, Mme Marcela Iacub retrace l'historique de cette pratique et de son interdiction. Des associations de grossesses de substitution comme Les Cigognes fonctionnaient sur une base altruiste et sans conventions marchandes. Je m'étonne que votre présentation se fasse un peu ex nihilo, sans tenir compte de ce qui s'est passé dans notre pays.

Votre façon de mener le débat est très principielle, dogmatique, idéologique. Les termes utilisés me rappellent ceux qui avaient été employés en 1998-1999, lors des débats sur le pacte civil de solidarité (PACS), pour combattre une revendication à l'époque naissante : l'ouverture du mariage civil et de la filiation aux couples de même sexe. Des inquiétudes folles s'exprimaient alors à propos de l'homoparentalité et de l'histoire douloureuse qu'il faudrait expliquer aux enfants. Mais il existait déjà des familles homoparentales, de même qu'il existe déjà, aujourd'hui, des familles avec des enfants nés de la GPA. On peut rencontrer ces enfants : leur histoire ne leur est pas cachée et on ne constate pas chez eux les traumatismes qu'on redoutait. Depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années, des enquêtes américaines, menées scientifiquement, ont conclu dans le même sens.

Faut-il élargir le débat ? La réalité de la GPA se passe en grande partie dans un monde de très grande inégalité économique et sociale. Mais, une fois passé l'examen et lorsque l'on constate qu'il n'y a ni contrainte ni déséquilibre financier dans la prestation, au nom de quoi est-il permis d'interdire cette disposition ? Au nom de quoi balayer le consentement d'un revers de main ? L'intérêt de l'enfant est un argument, mais on ne peut pas s'y référer tout en s'opposant à la transcription des actes de naissance à l'état civil et à l'octroi d'une pièce d'identité nationale. Il faut choisir.

Après avoir participé à des débats similaires, j'ai acquis cette conviction : considérer qu'en aucune circonstance une personne ne peut disposer librement de son corps pour, par exemple, se livrer à la prostitution, participer à une GPA ou demander un suicide assisté, revient à prendre une partie de nos concitoyens pour des incapables. Pour ma part, je crois que le consentement librement éclairé doit être la base d'une société démocratique, ce qui, je vous l'accorde, correspond à une tradition très libérale, mais me convient.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion