La GPA existe, et elle est indirectement reconnue par la France. C'est la raison pour laquelle M. Philippe Gosselin et moi-même avons estimé que nous devions intervenir. Ce qui, sur le plan théorique, est interdit aux Français en France leur est permis à partir du moment où cela se passe à l'étranger et qu'ils rapportent le produit de leur achat. Je n'emploie pas ce vocabulaire parce que j'approuve ces actes, mais, au contraire, parce que je pense qu'il faut cesser d'habiller la maternité de substitution – il s'agit bien de cela, Mme Le Dain – des atours de l'altruisme ou du consentement éclairé.
Les femmes qui siègent dans cette salle et qui ont connu une grossesse savent parfaitement ce que c'est que de porter un enfant. Qu'il s'agisse ou non de ses propres ovocytes, l'enfant est tout de même le produit de sa chair et de son sang ! Une grossesse n'est pas une maladie, mais elle comporte des risques. J'aurais aimé disposer d'une étude sur l'état psychologique et physique de ces femmes qui sont traitées comme des animaux – je rappelle qu'en Inde elles sont rassemblées dans des lieux que l'on appelle des « fermes ». Il faut donc appeler les choses par leur nom pour pouvoir travailler correctement. Je me permets aussi de rappeler qu'en Europe le régime nazi avait créé les Lebensborn où des femmes étaient fécondées avant qu'elles ne cèdent leur enfant.
Vous avez noté que nous faisions référence à d'autres pays. Aux États-Unis, des contrats permettent à des mères porteuses de céder leurs organes reproductifs, mais ce n'est pas pour autant un modèle auquel nous souhaitons nous référer. Lors de nos auditions, M. Jean-François Mattei, ancien député et ancien ministre, a rappelé que, dans certains pays, on trouve des catalogues d'enfants à adopter : ceux-ci y vantent leurs propres qualités – ils seront sages et affectueux –, et les parents ont la possibilité de rendre les enfants s'ils n'en sont pas satisfaits. Ce n'est pas notre conception des relations humaines ou de la protection de l'enfant.
Comme vous le disiez, Mme Le Dain, la naissance, bien qu'elle comporte des risques, doit être un moment joyeux. C'est difficilement le cas pour une femme dont on a instrumentalisé le corps et dont on se sert comme d'un ventre à louer pour une maternité de substitution. Si, à droite comme à gauche, nous nous retrouvons sur cette question, c'est bien parce qu'il s'agit de dignité humaine et de protection des personnes les plus vulnérables. Je ne connais pas de maternité « altruiste ». Si l'on excepte les militants de la cause, l'ensemble des personnes que nous avons interrogées a réfuté ce mot. Le président du Comité consultatif national d'éthique a, lui aussi, des difficultés avec le terme « altruiste ».
Je ne voudrais pas que le rejet de ces textes permette à la GPA et à la maternité de substitution de prospérer dans notre pays et que les militants d'une gestation que, pour la rendre plus présentable, certains appellent « éthique » nous expliquent, demain, que tout cela s'est tellement développé qu'il est trop tard pour revenir en arrière. Nous ne devons pas nous contenter de dresser des constats, nous ne sommes pas les greffiers des moeurs : nous sommes aussi là pour faire la loi.
Ma proposition de loi n'est pas que principielle, elle est concrète. Dans les amendements que je vous soumets, je propose des solutions concrètes pour lutter effectivement par des actes, au-delà des paroles, contre la gestation pour autrui ou la grossesse de substitution dans notre pays.
Je remercie M. Guillaume Larrivé pour son soutien.
Non, M. Binet, la situation actuelle n'est pas équilibrée, et nous ne cherchons pas davantage à l'être ! Lorsqu'il s'agit de dumping éthique ou de traite d'êtres humains, de femmes et d'enfants, ce n'est pas la question. Nous sommes confrontés à une question de principe, qui touche à la dignité humaine. Je m'oppose au proxénétisme procréatif qui fait des femmes des ventres à louer.
On ne peut pas dire, comme vous le faites, que tout va bien en France. Il faut absolument que l'entremise soit réprimée, et sévèrement. Pourquoi des instruments de propagande sont-ils mis en place pour faire passer un trafic d'êtres humains pour une démarche altruiste ? Tout simplement parce qu'il y a beaucoup d'argent à la clef. C'est la raison pour laquelle, lors de conférences dans de grands hôtels ou à la télévision, des agences présentent la maternité de substitution sous un jour idéalisé – pour ma part, je dirais « mensonger ». Dans l'intérêt de l'enfant, qui consiste en premier lieu à connaître ses origines et, surtout, à ne pas être cédé, je propose que l'entremise soit réprimée.
Quant au mauvais procès que vous m'intentez s'agissant de la répression de la presse, sous prétexte que j'ai évoqué un reportage, je précise que la nouvelle incrimination concernant la provocation à la maternité de substitution et sa présentation sous un jour favorable vise principalement des sites internet qui font la promotion de cette pratique. Ces sites ont des liens très forts avec de grands groupes financiers : c'est un problème de business. Cette nouvelle incrimination est compatible avec le respect du droit à l'information qui a valeur constitutionnelle. Il ne s'agit en aucun cas de porter atteinte à la liberté de la presse. Ces insinuations de mauvaise foi ne sont pas du tout à la hauteur des débats qui nous occupent.
Les conventions internationales ont déjà été invoquées lorsque notre collègue Jean Leonetti a présenté un texte visant à réprimer la maternité de substitution. Le Gouvernement a alors affirmé qu'il mettrait en oeuvre des actions afin que la maternité de substitution soit supprimée sur le plan international. Nous avons interrogé le ministère de la justice mais rien n'a été fait depuis en la matière. Le ministère de la famille, de l'enfance et des droits des femmes ne dispose pas d'informations sur ce sujet, et il n'en a pas trouvé auprès du Quai d'Orsay. Il nous a avoué rencontrer de grandes difficultés, compte tenu de la régression des droits des femmes au plan mondial, pour faire en sorte que ce sujet soit traité en priorité. Je remercie Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, d'avoir fait en sorte que nous ayons des réponses précises à nos questions.
Certes, le parlement portugais s'est déclaré favorable à la maternité de substitution, mais je répète qu'il ne s'agit pour moi ni d'un modèle ni d'un curseur, et que nous ne sommes pas obligés de nous référer au moins-disant éthique pour faire notre droit.
Oui, M. Collard, il s'agit bien de proxénétisme procréatif ! Le corps est vraiment découpé en morceaux. Comment ne pas combattre la maternité pour autrui lorsque l'on a combattu le trafic d'organes, comme j'ai pu le faire ? J'ai déposé des propositions de loi, lors de mon mandat précédent et durant cette législature, afin que ces pratiques soient réprimées par la France, et que notre pays signe une convention internationale sur le sujet. Je considère comme vous que le corps n'est ni une marchandise ni une boutique, et que la détresse des riches en mal de maternité ou de paternité ne doit pas être soulagée en instrumentalisant des corps des femmes les plus pauvres. Comme je l'ai dit à la précédente ministre de la justice, ce n'est pas parce que ces femmes sont de couleur et pauvres que l'on doit les abandonner à l'indignité de voir leur corps réduit à une marchandise ou à un instrument ; ce n'est pas parce que des enfants sont commandés et fabriqués que l'on doit avaliser cette pratique.
M. Dussopt, la GPA gratuite n'existe pas, elle n'a jamais existé ; c'est une vue de l'esprit. Il n'y a pas davantage de GPA « éthique ». Je me permets de vous inviter à regarder ce qui se passe en Grande-Bretagne. Plusieurs témoignages nous ont montré ce qu'il en était vraiment : depuis que le commerce est officiellement proscrit en matière de GPA, des conventions sont passées qui comportent des dons à des associations – de mémoire, les montants engagés atteindraient 120 000 euros. Sans doute la femme qui sert d'instrument ne reçoit-elle qu'une petite part de cette somme : cela dit, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'altruiste dans cette affaire.
Quand j'emploie le mot « esclavage », ce n'est pas pour cautionner l'esclavage. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Ce mauvais procès n'est pas à la hauteur de notre débat. Je dis en revanche que les parents sont des parents acquéreurs, puisqu'il s'agit bien d'une acquisition, et que cette prétendue convention est, en fait, un contrat. Il comporte des points très précis qui entravent la liberté de la mère avec, par exemple, des restrictions sur ses déplacements ou sur son alimentation, et même une obligation de césarienne. C'est une réalité !
Mme Bechtel, comme vous, j'ai été choquée par la différence de traitement que le Parlement réserve à la prostitution et à la maternité de substitution. Comme vous, j'ai fait l'analogie entre les deux sujets, et c'est pourquoi j'ai employé dans l'exposé des motifs de ma proposition de loi l'expression « proxénétisme procréatif ». Je pense aussi que ces femmes qui sont dans une grande détresse doivent être protégées d'elles-mêmes, et qu'en tout cas notre devoir est de ne pas cautionner ces pratiques. Elles nous choquent de la même façon que nous sommes choqués lorsqu'un individu en grande détresse financière vend l'un de ses organes.
Je remercie MM. Lionel Tardy et Éric Ciotti pour leur soutien.
M. Dosière, la question posée ce matin dépasse les clivages partisans. M. Philippe Gosselin et moi-même vous avons tendu la main lors de la rédaction des textes que nous présentons aujourd'hui. Si le Gouvernement avait vraiment souhaité traiter du sujet, j'aurais voté un texte issu de la majorité et sanctionnant l'apologie de la GPA. Je rappelle que, alors que l'Assemblée a rejeté la proposition de loi de M. Jean Leonetti visant à lutter contre les démarches engagées par des Français pour obtenir une gestation pour autrui, au motif que le texte devait être retravaillé, nos auditions ont montré qu'il ne l'a pas été.
De façon plus générale, je suis surprise d'entendre dire que l'inscription d'une proposition de loi et d'une proposition de loi constitutionnelle dans une « niche » réservée à l'opposition ne fait pas avancer le débat. Je pense pourtant qu'il s'agit de la façon dont nous travaillons dans cette assemblée. Je comprends la gêne de collègues qui, bien qu'approuvant nos propositions, ne les voteront pas. Ces leçons de fonctionnement de l'Assemblée me paraissent très curieuses, en particulier à la commission des Lois.
Enfin, pour compléter l'information de M. Dosière, je lui indique que j'ai déposé, le 10 juillet 2015, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'interdiction effective de la gestation pour autrui en France. J'aurais aimé que d'autres s'y joignent, comme je l'ai fait pour la pénalisation du négationnisme des génocides. Si je suis engagée dans la vie publique, ce n'est pas pour prendre des postures : c'est, comme vous, mes chers collègues, pour défendre des convictions.
M. Coronado, il est difficile de relativiser la marchandisation. Pour moi, je le répète, la gestation pour autrui « altruiste » n'existe pas.
Je remercie M. Potier pour ses propos auxquels j'adhère complètement. Comme il le soulignait, le dialogue permet d'avancer : nous avons, par exemple, été particulièrement impressionnés, lors de l'audition de Mme Yvette Roudy, par la force de ses convictions et par son engagement. Les auditions nous ont donné l'occasion de partager de belles leçons de vie.
M. Philippe Houillon nous a rappelé à juste titre la position de la CEDH : l'intérêt supérieur de l'enfant exige qu'il connaisse la vérité sur ces origines. Mme Françoise Guégot l'avait dit avec ses mots, ce qui avait suscité les remarques méprisantes de certains collègues. Le sujet est pourtant majeur.
Je remercie M. Guy Geoffroy d'avoir travaillé sur le sujet fondamental du phénomène prostitutionnel. J'ai dit il y a un instant à Mme Bechtel combien il était pertinent d'établir un lien entre ces deux sujets.
Merci également à MM. Jean-Frédéric Poisson et Pierre Morel-A-L'Huissier qui m'ont apporté leur soutien.
Mme Sophie Dion a eu raison de qualifier l'enfant de « personne vulnérable par excellence » : nous sommes aussi là pour le protéger.
Pour citer un dernier collègue, mais disparu depuis longtemps celui-là, je rappellerai les mots de Lacordaire : « Entre le fort et le faible [...], c'est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. » C'est tout le sens du travail que nous effectuons aujourd'hui sur la maternité de substitution.