Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 8 juin 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Je souhaite m'exprimer à titre personnel. Il s'agit de débats de société très délicats et complexes. Nous allons jusqu'à toucher à la notion de droit aux origines, point sur lequel les positions sur les divers bancs de notre assemblée sont extrêmement variées. Cela soulève aussi des questions sur la manière dont la nationalité est confirmée ou infirmée au fil des années, même pour des personnes qui sont devenues françaises – il est arrivé que l'administration remette en cause l'acquisition de la nationalité française en raison des origines des intéressés, en s'appuyant sur une interprétation de la loi. Cette question traverse tous nos groupes politiques, du seul fait que le mot « origine » est utilisé. Pour ma part, je suis très réservée sur les notions d'origine et de droit aux origines : une personne est ce qu'elle fait et ce que son environnement fait d'elle – je le dis en tant que scientifique.

Dans le cadre de ces débats, nous abordons des questions très importantes.

Il y a l'enfant né. Celui-ci a tous les droits, mais il n'a pas forcément droit à tout, en tout cas pas tout de suite. Il doit avant tout être protégé et être en sécurité dans notre pays. Très honnêtement, je crois qu'il l'est.

Il y a l'enfant à naître. Une question se pose tout d'abord concernant ce qu'il est. Je tiens à la répéter : tant qu'il n'est pas né, c'est-à-dire tant que ses poumons ne se sont pas déployés et qu'il n'a pas poussé son premier cri, c'est non pas un enfant, mais un foetus. Ne l'oublions pas et ne faisons pas trop d'amalgames sur ces grandes questions, car elles touchent au droit et, au-delà, à des choses importantes. S'agissant de l'enfant à naître, une question se pose également concernant la femme qui le porte, ainsi que les gamètes et les ovules qui ont été, le cas échéant, implantés dans son corps. Ce ne sont pas des choses indifférentes.

Il y a l'enfant désiré. Cela renvoie à une notion de satisfaction. Or, dans une société moderne, démocratique, consciente et confiante, la satisfaction de tous les désirs doit-elle être une ambition commune ? La constitution d'un cadre légal où les besoins de tous seraient satisfaits ne signifie pas nécessairement que les désirs de tous doivent l'être. La différence, en droit, entre le désir et le besoin est un point essentiel. À mon sens, une société moderne est une société qui devrait tendre à ce que les besoins soient satisfaits, mais pas forcément tous les désirs. Car, alors, il n'y aurait plus de société, mais seulement un libéralisme outrancier. Il me semblerait dommage que la France soit la première à l'embrasser.

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