Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 8 juin 2016 à 19h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur – accompagné par M. Michel Cadot, préfet de police de Paris :

Monsieur le président de la commission des Lois, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité nous auditionner, M. Alain Juppé – en sa qualité de président de l'association des villes hôtes de l'Euro 2016 – et moi-même, pour vous exposer les décisions prises conjointement par l'État, les villes hôtes et les organisateurs afin d'assurer le bon déroulement de cette quinzième édition de l'Euro de football. C'est bien naturellement que nous avons répondu à votre invitation.

Comme vous le savez, le premier match aura lieu après-demain, et tout a été fait pour que cet événement d'ampleur internationale puisse se dérouler dans des conditions optimales de sécurité aussi bien dans les stades que dans les fan zones et dans les infrastructures de transports.

Pas moins de 2,5 millions de spectateurs assisteront aux matchs dans les stades, dans dix villes de France, et plus de 8 millions de supporters sont attendus, dont 2 millions d'étrangers. C'est donc un événement exceptionnel, qui se tiendra dans un contexte tout aussi exceptionnel puisque la menace terroriste à laquelle nous sommes confrontés demeure à un niveau très élevé.

Malgré cela, nous sommes convaincus qu'il est très important que l'Euro 2016 ait lieu, car personne ne saurait empêcher les Français de vivre normalement. Céder sur l'Euro eût été céder à l'odieux chantage des terroristes, et cela, il n'en est pas question. La France doit rester la France, et c'est la raison pour laquelle l'Euro se tiendra. Nous devons montrer que nous sommes un peuple fort, résilient et fier de lui-même.

En 2009, des engagements ont été pris par le Gouvernement pour que la France accueille l'Euro 2016. Ces engagements, le Gouvernement d'alors a eu raison de les prendre, et nous allons nous astreindre à les tenir.

Avec Alain Juppé, dont la ville, Bordeaux, accueillera plusieurs matchs, je veux aujourd'hui vous présenter les moyens sans précédent que nous mettons en oeuvre pour que la compétition se déroule dans les meilleures conditions qui soient. Ces moyens sont d'autant plus importants que, comme chacun sait, à la menace terroriste s'ajoute également le risque que représentent les éventuelles violences provoquées par les hooligans.

L'Euro 2016 bénéficie donc d'un dispositif de sécurité lui aussi exceptionnel. La mobilisation des services de l'État est totale, aux côtés des villes hôtes et des organisateurs, dans un esprit de coopération assumée et de responsabilité partagée. La sécurité de l'Euro 2016 est une véritable coproduction entre l'État, l'Union des associations européennes de football (UEFA) et l'association des villes hôtes.

Comme je l'ai annoncé le 25 mai dernier, plus de 77 000 personnels du ministère de l'intérieur seront mobilisés : 42 000 policiers – dont 25 000 de la sécurité publique, 5 000 de la police aux frontières, 2 000 CRS et 10 000 policiers de la préfecture de police de Paris –, ainsi que 30 000 gendarmes, 5 200 personnels de la sécurité civile, dont 2 500 sapeurs-pompiers et 300 démineurs. De surcroît, une partie des 10 000 militaires de l'opération Sentinelle seront spécifiquement affectés à la sécurisation de l'Euro, notamment dans les principales infrastructures de transports.

Par ailleurs, les forces d'intervention spécialisées de la police et de la gendarmerie nationales, le RAID et le GIGN, seront à pied d'oeuvre dans les stades comme aux abords immédiats de chaque fan zone pour intervenir sans délai à la moindre menace. J'ajoute qu'à Paris, la brigade de recherche et d'intervention (BRI) sera également présente.

Les agents de l'État ne seront pas les seuls à être mobilisés. Ainsi, 13 000 agents de sécurité privée seront déployés pendant toute la durée de la compétition, aux côtés des 1 000 bénévoles des associations de secourisme. Les maires des villes hôtes pourront par ailleurs mobiliser, s'ils le souhaitent, les effectifs de police municipale et les agents de surveillance de la voie publique de leur commune pour compléter le dispositif mis en oeuvre par l'État.

Au total, ce sont donc plus de 90 000 personnes, agents de l'État, des collectivités locales, personnels de sécurité privée et bénévoles, qui assureront ensemble la sécurité de l'Euro 2016. C'est là un effort d'une ampleur considérable.

Par ailleurs, une cellule d'analyse des risques, rassemblant aussi bien les acteurs concourant au renseignement intérieur et extérieur que les acteurs de la sécurité publique, sera activée sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour fournir, en temps réel et avant chaque rencontre, un état des différents risques et menaces sur les lieux des matchs eux-mêmes mais aussi sur les autres sites susceptibles d'être concernés. Ainsi, les préfets et l'échelon central pourront adapter en permanence les dispositifs opérationnels de terrain.

Les réseaux Europol et Interpol sont pleinement mobilisés, ainsi que l'ensemble des outils d'échanges d'informations entre les polices nationales. À cet égard, un dispositif spécifique de coopération européenne et internationale a été mis en place. Depuis avant-hier, 180 policiers, originaires des pays participant à la compétition et spécialistes de la gestion des grands événements internationaux, sont venus compléter nos effectifs de sécurité publique : 130 seront déployés dans les villes hôtes tandis qu'une cinquantaine a d'ores et déjà été affectée au Centre de coopération policière internationale (CCPI), que j'ai inauguré hier à Lognes, en Seine-et-Marne. Ce centre assumera une fonction opérationnelle de commandement et de transmission de l'information durant toute la durée de la compétition. Sur le terrain comme depuis le CCPI, ces renforts européens auront donc pour principale mission de surveiller leurs supporters respectifs et de nous transmettre toute information liée à leurs déplacements sur notre territoire pour nous aider à prévenir les troubles éventuels.

Par ailleurs, le Gouvernement a pris plusieurs mesures administratives d'opposition à l'entrée en France visant des supporters violents interdits de stade dans leur propre pays. À ce jour, pas moins de 2 355 fiches d'interdiction du territoire ont été inscrites dans le fichier des personnes recherchées (FPR). En outre, vingt-quatre interdictions administratives du territoire ont d'ores et déjà été délivrées contre des hooligans considérés comme particulièrement dangereux. Combinées à l'intervention des policiers européens, ces décisions contribueront à limiter nettement le risque d'affrontements entre supporters.

D'une manière générale, le travail préventif de contrôle aux frontières effectué par les agents de la police aux frontières et les autres forces de sécurité se poursuit avec une détermination sans faille. Depuis le 13 novembre dernier, plus de 35 millions de personnes ont été contrôlées, à l'entrée et à la sortie du territoire national, sur l'ensemble de nos frontières terrestres, aériennes et maritimes. Plus de 18 000 individus ont été refoulés à l'entrée du territoire. Ce travail, utile pour éviter l'entrée d'individus potentiellement dangereux, va bien évidemment continuer durant la compétition, en lien étroit avec nos partenaires européens, eux aussi mobilisés à nos côtés.

Je veux insister sur la stricte répartition des rôles et des missions entre les différents acteurs contribuant à la sécurité de l'Euro, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités territoriales ou bien des organisateurs et des acteurs privés. Encore une fois, c'est une logique de coproduction et de coresponsabilité qui prévaut.

À l'intérieur des stades, la sécurité est à la charge de l'organisateur, c'est-à-dire la société EURO 2016 SAS. Toutefois, des policiers et des gendarmes pourront y être positionnés pour assurer des missions de suivi judiciaire et de sécurisation. Les postes de commandement opérationnel (PCO), situés à l'intérieur des stades, constitueront le point névralgique de coordination du service d'ordre mis en place pour chaque rencontre.

Concernant la sécurité à l'intérieur des stades, l'objectif est triple : d'abord, garantir la fluidité de l'entrée des supporters dans les enceintes sportives ; ensuite, fiabiliser les contrôles d'accès en leur sein ; enfin, sécuriser les sorties de match.

Des mesures visant les mêmes objectifs s'appliqueront aux fan zones. Leur organisation comme leur sécurité interne sont à la charge des collectivités territoriales. À cet égard, je veux rappeler que si nous avons fait le choix, avec les municipalités concernées, de mettre en place des fan zones dans les villes qui le souhaitaient, c'est précisément pour renforcer la sécurité des supporters en évitant que ces derniers ne se dispersent sans protection dans des lieux ouverts et non contrôlés.

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines, l'enceinte des fan zones sera, elle, parfaitement close, et la vidéo-protection y a été particulièrement renforcée. Leurs accès seront très étroitement contrôlés, de telle sorte que tout spectateur cherchant à y pénétrer fera l'objet de palpations de sécurité et d'une inspection visuelle des sacs et autres effets transportés.

Je rappelle également que l'ensemble des personnels travaillant dans les fan zones comme dans les stades, ou bien y exerçant une activité de service, aura été passé au crible des fichiers de police avant toute accréditation. Sur 80 000 personnes, nous en avons exclu 300, ce qui représente 0,4 % des effectifs contrôlés.

Par ailleurs, des effectifs de police et de gendarmerie seront prépositionnés aussi bien aux abords des stades qu'à la périphérie des fan zones pour y assurer l'ordre public et être en mesure d'intervenir immédiatement en cas de besoin.

Par conséquent, sauf événement ou menace circonstanciée, nous maintiendrons les fan zones, selon un protocole de sécurité particulièrement strict, ce qui n'exclut pas que nous puissions adapter le dispositif, en étroite collaboration avec l'association des villes hôtes, en fonction des éléments qui seront portés à notre connaissance ou des événements qui seront survenus.

C'est cette même exigence de sécurité qui m'a conduit à décider qu'en dehors des fan zones et notamment dans les agglomérations qui n'accueillent pas la compétition, la retransmission éventuelle des matchs se déroule dans des espaces clos dont l'accès pourra être contrôlé, tels que des stades, des salles omnisports, des salles de spectacles ou bien des parcs d'exposition. J'ai ainsi demandé aux préfets de se montrer particulièrement attentifs aux initiatives locales et d'interdire toutes celles qui ne respecteraient pas les prescriptions de sécurité que je viens d'indiquer.

Enfin, la sécurité intérieure des camps de base des équipes comme des hôtels de transfert sont à la charge des équipes nationales et de l'organisateur tandis que leur protection extérieure est prise en compte par les forces de sécurité de l'État. Cette organisation a fait l'objet d'un protocole entre l'État et la Fédération française de football.

Qu'il s'agisse de l'État, des organisateurs ou des villes hôtes, la mission de chacun est donc clairement définie. La sécurité de l'Euro sera une oeuvre résolument collective, et il est essentiel que chacun y joue pleinement son rôle.

Nous prenons donc les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité de l'Euro 2016, de même que nous nous préparons à répondre à toute menace susceptible de survenir. Je rappelle ainsi qu'au cours des deux derniers mois, près de trente exercices de simulation se sont déroulés sur le territoire national pour préparer les policiers, les forces d'intervention et les secours à faire face à tout type d'attaque terroriste.

Même si le risque zéro n'existe pas, nous prenons un maximum de précautions pour assurer la protection des Français et des supporters étrangers qui viendront participer à cette grande fête qu'est l'Euro 2016.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion