Mon propos le confirmera, monsieur le président !
Je vous remercie de cette audition, très importante à quelques jours de l'Euro 2016. Je partage l'avis général : cela aurait été céder aux terroristes que de ne pas organiser l'Euro 2016 ou d'interdire toute manifestation – sportive, culturelle, festive… – dans notre pays. Je suis également conscient du fait que les autorités publiques – villes, préfectures, ministère de l'intérieur, etc. – ont pris le maximum de précautions.
Cela étant, fallait-il prendre le risque supplémentaire de mettre en place des fan zones. En 2000, il n'y en avait pas. L'Euro peut se dérouler de façon tout à fait normale sans fan zones ! Celles-ci n'empêcheront d'ailleurs pas les regroupements : il y en aura à toutes les terrasses de café et un peu partout dans les villes, derrière des écrans de télévision, dans des espaces de restauration collective…
S'agissant plus particulièrement de Paris, nous avions proposé une solution alternative : implanter la fan zone dans des stades, tel le stade Charléty. Il est plus petit certes, et pose un certain nombre d'autres problèmes, mais ce site peut être sécurisé plus facilement que le Champ-de-Mars. Maire du 15e arrondissement, riverain du Champ-de-Mars, je connais les lieux : quinze hectares, au pied de la tour Eiffel, qui est quasiment un appel aux terroristes de tous poils – ceux-ci déclarent d'ailleurs de-ci de-là qu'ils veulent s'en prendre à elle et à l'Euro 2016 ! L'espace, nous dit-on, est protégé par une clôture. Mais celle-ci est haute de 2,4 mètres – la même du reste que celle qui forme la deuxième enceinte du Stade de France, et qui n'a pas été extrêmement performante il y a quinze jours, lors du match opposant le Paris Saint-Germain et l'Olympique de Marseille. Le préfet de Seine-Saint-Denis a déclaré : « le dispositif de sécurité a cédé » ! En effet, des supporters ont pu faire passer des sacs par-dessus la clôture à des complices à l'intérieur de l'enceinte. Lesdits sacs contenaient des feux d'artifice, mais cela aurait tout aussi bien pu être des bombes ! Et divers instruments ont pu être passés à travers le grillage.
Une sécurisation totale n'est donc pas possible, surtout si l'espace est aussi gigantesque. Il accueillera, au bas mot, près de 100 000 personnes – 92 000 personnes, me dit-on, mais que fait-on des autres s'ils s'en présentent 150 000 ? Le problème se posera dès le concert de David Guetta, demain soir.
En plus, le nombre d'agents de surveillance privés à l'intérieur de la fan zone est insuffisant : ils seront 350 à 400 alors que la norme – que la Pologne a d'ailleurs inscrite dans sa législation – est d'un agent de surveillance pour 100 supporters. Il en faudrait donc plutôt un millier que 350 à 400 ! Le Conseil national des activités privées de surveillance (CNAPS) a d'ailleurs proposé à l'unanimité la suppression des fan zones et les grandes sociétés de sécurité – notamment Securitas, la plus importante en France – ont refusé d'assumer le risque et se sont retirées du marché. Cela doit nous interpeller.
Par ailleurs, les forces de police présentes sur le site ne seront pas disponibles pour d'autres missions de protection dans les gares, les aéroports, les stades, les lieux sensibles, puisque le préfet de police, à juste titre, a rehaussé le niveau de sécurisation. Cette élévation régulière du niveau de sécurisation a posé un petit problème aux arrondissements riverains, qui n'ont pu diffuser l'information suffisamment tôt – elle est diffusée en ce moment –, alors que l'Euro 2016 commence cette semaine. D'ailleurs, la conférence de presse qu'a tenue le préfet de police, lundi dernier, ne me rassure pas : chaque fois qu'il s'exprime, il annonce en effet qu'on rehausse le niveau de sécurité, et affirme que la sécurisation est totale. La sécurisation est-elle donc vraiment au bon niveau, cette fois-ci ?
Enfin, le quartier – tant côté 7e que 15e arrondissement – sera totalement paralysé. Certes, on peut être indifférent au sort de dizaines de milliers d'habitants. Mais c'est surtout qu'il ne sera pas possible d'assurer une hypersécurisation de la fan zone en s'en tenant à des contraintes acceptables. Les interdictions de stationner et de circuler seront pourtant très nombreuses. Dans le 15e arrondissement, la plupart des supporters arriveront, par dizaines de milliers, par la station La Motte-Picquet – Grenelle, et, à partir de minuit, heure à laquelle se termineront, presque chaque soir, les matchs, ce sont 60 000 ou 100 000 personnes qui quitteront la fan zone, peut-être alcoolisées. À cet égard, je ne comprends absolument pas, même si l'UEFA le demande, que la vente d'alcool soit libre à l'intérieur de la fan zone alors qu'elle est interdite autour de celle-ci, et qu'il n'est pas non plus possible d'en apporter. J'ai cru comprendre, à entendre M. Juppé, qu'il en irait différemment dans la fan zone de Bordeaux, et que l'alcool y serait proscrit. Pourquoi donc laisser, à Paris, des supporters s'alcooliser pendant des heures, sous le soleil, en regardant les matchs ? À minuit, ils débouleront dans tous les quartiers environnants pour se livrer à des activités diverses et variées jusqu'à une heure fort avancée de la nuit !
Je cite, pour terminer, l'arrêté du préfet de police daté du 3 juin, qui définit la fan zone, avec les périmètres de restriction de circulation et de stationnement : « la fan zone sur le Champ-de-Mars constitue, au regard des objectifs que se sont assignés les organisations terroristes et de sa localisation dans la capitale française, une cible privilégiée ». Les bras m'en tombent ! Le préfet de police constate, dans son arrêté, que la fan zone du Champ-de-Mars va être une cible privilégiée mais on la maintient ! Voilà qui interpelle fort les habitants du quinzième arrondissement et d'ailleurs.