Sur le principe du maintien de l'Euro 2016, de la fête, je rejoins totalement le ministre de l'intérieur et Alain Juppé, nous l'avons d'ailleurs tous dit : il n'est pas question de céder aux terroristes.
Cela étant, jamais le risque n'a été aussi élevé que maintenant, mais vous devez le savoir par les services, monsieur le ministre ; je reviens moi-même du Kurdistan irakien – avec François Fillon, j'étais à vingt kilomètres de Mossoul, au-dessus de deux villages tenus par Daech, à côté des peshmergas. D'abord, Daech est connu pour utiliser le mois du Ramadan pour multiplier les attaques. Ensuite, il est de plus en plus en difficulté sur le terrain, essuyant des attaques plus fortes en différents lieux, tout autour de Raqqa. Cela va le conduire à commettre des attentats à l'extérieur, y compris pour remonter le moral de ses troupes.
Le 21 mai dernier, un des porte-parole de Daech, Abou Mohammed Al-Adnani, dans un entretien vidéo et audio d'une vingtaine de minutes, a annoncé toute une série d'attentats en Occident pendant le mois du Ramadan. Le contexte est extrêmement préoccupant, mais ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, monsieur le ministre. Pour avoir travaillé ces derniers mois au sein de la commission d'enquête sur le terrorisme, pour m'être rendu plusieurs fois dans la région, je suis convaincu qu'il faut prendre la menace au sérieux.
J'en viens donc à la fan zone de Paris – et exclusivement à celle-là. Choisir de concentrer, tous les soirs du mois de juin, 100 000 personnes sous la tour Eiffel c'est, à mon avis, prendre un risque inconsidéré. On ne peut pas interdire les fan zones ni la fête, mais il faut être raisonnable face au risque. Je considère, comme d'autres élus parisiens – Philippe Goujon et Nathalie Kosciusko-Morizet viennent de s'exprimer en ce sens – qu'il y avait des solutions alternatives, notamment dans des stades vides, qu'on peut mieux sécuriser qu'un espace sous la tour Eiffel, cible par excellence si l'on veut frapper un symbole. La tour Eiffel, qui est un peu à Paris ce qu'étaient les tours du World Trade Center à New York, a déjà été visée par de précédents groupes terroristes, nous le savons. Le risque est donc énorme.
Sur les chiffres, je ne doute pas que ceux que vous nous avez donnés sont exacts, et je ne vais pas vous chercher sur ce point. Les effectifs annoncés sont considérables, mais le nombre de personnes qui seront dans Paris l'est aussi. Je souhaite que cela se passe bien. Ce n'est pas la première fois que j'essaie d'appeler votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre : je suis loin de vouloir que nous nous couchions devant les terroristes, mais il y a tout de même des endroits où il eût mieux valu éviter de concentrer beaucoup de gens. La décision est prise, à présent : vous verrez comment cela se passe, et j'espère que vous avez gardé – vous l'avez laissé entendre – une marge de flexibilité pour des adaptations au fil des jours, voire des semaines, en fonction de la situation.
Il faut être à la fois mobile et réactif. Surtout, dans ces affaires, la clé, c'est le renseignement. J'espère donc que nous aurons en amont l'information la plus sûre possible. Le reste, c'est un mélange de protection statique et de forces aussi mobiles que possible. À cet égard, tout ce qui gênera la circulation dans Paris et rendra difficile l'acheminement des forces de sécurité et de secours pose un problème. Encore une fois, il ne s'agit pas d'être alarmiste mais je suis bien loin de prendre à la légère les menaces de nos adversaires, qui dans leur folie, dans leur délire, ou plutôt leur idéologie mortifère car ils ne sont pas fous, font les choses très sérieusement. Maintenant, c'est vous qui êtes aux responsabilités : j'espère que vous ne vous trompez pas.