Tout d'abord, je vous indique qu'un de nos collègues est sur site depuis hier, plus précisément sur le barrage qui a posé problème. La principale cause de ces crues est la pluie : il a plu sur ces bassins-versants, en particulier sur le Loing, trois fois plus qu'au cours d'un mois de mai normal, soit 180 millimètres contre 60 millimètres habituellement. Les prévisions ne sont jamais suffisamment précises mais, en l'espèce, elles ont au moins permis d'éviter le pire puisque, pendant cette crue très importante – la quatrième, par ordre d'importance, après celles de 1910, de 1955 et de 1982 –, nous n'avons eu à déplorer que quatre décès. Certes, ce sont quatre de trop, mais les mesures, les modèles, les données, les informations et l'action de tous ont permis de limiter le nombre de morts.
Cela dit, vous avez posé une question très importante, Madame Lacroute, celle de la relation entre la gestion des ouvrages et les crues. Je citerai un chiffre, qui me permettra de remettre les choses en perspective. À l'amont de Paris, sur le bassin-versant de la Seine, on compte quatre grands ouvrages de stockage de crue, dont la capacité totale est de l'ordre de 850 millions de mètres cubes – sachant que la crue de 1910 a généré un volume total dépassant 4 milliards de mètres cubes. Mais ce qui importe, c'est l'état de ces barrages à la veille de la crue : s'ils sont pleins, nous n'avons aucune marge de manoeuvre. Or, cette année, ils étaient remplis à 90 %.
En effet, à la différence des trois grandes crues historiques que j'ai citées, qui ont eu lieu entre fin janvier et février, celle de 2016 est une crue de printemps, ce qui est exceptionnel. Or, nous faisons en sorte que ces bassins, qui se remplissent en hiver, soient pratiquement pleins au printemps, puisqu'ils sont destinés également à soutenir les étiages en été. De fait, les pluies de printemps sont dites peu contributives, c'est-à-dire qu'elles contribuent assez peu, par ruissellement, au remplissage des barrages, parce que la végétation en consomme l'essentiel. Mais, au mois de mai, la chaleur n'a pas été insupportable – de sorte que, même si la végétation a poussé, elle a sans doute moins poussé que lors d'un mois de mai ordinaire – et les pluies ont été exceptionnelles. Les réservoirs ont donc très peu joué leur rôle.
Par ailleurs, et cela se produira à chaque fois, certains ouvrages ont partiellement cédé. Hélas – car, si tel était le cas, le problème serait facilement soluble –, cela n'explique pas l'inondation de Nemours. Mais cela n'exonère personne de la nécessité d'entretenir les ouvrages et d'améliorer leur fonctionnement ; du travail reste à faire dans ce domaine. L'IRSTEA gère le système d'information national pour la gestion des digues fluviales et désormais des digues maritimes ; il informe donc les pouvoirs publics de leur état. Les ouvrages ont été prévus pour le type de crue le plus fréquent.