Intervention de Maina Sage

Réunion du 8 juin 2016 à 17h15
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Merci pour ce panorama détaillé du paysage audiovisuel dans nos territoires ultramarins.

Je prends acte de votre préoccupation d'améliorer l'accès à l'offre nationale et à la TNT, ainsi que, sur le plan de la qualité, le passage à la haute définition. Il faudra cependant prendre en compte les difficultés que cela représente en termes de coûts et d'investissements. Je suis ces questions de près, car je siège au conseil d'administration de la chaîne Tahiti Nui TV (TNTV) depuis 2008, à ce titre je connais bien la problématique des chaînes dites « privées ».

Comme vous l'avez indiqué, il s'agit de « télés pays », dont certaines sont privées et d'autres non, ce qui, à mes yeux, est le cas pour TNTV, société d'économie mixte (SEM) financée pour la plus grande part par le territoire. Il s'agit donc de fonds publics accompagnant une politique publique, et dépendant d'un ministère local. J'ai souvent été témoin des difficultés résultant de l'hybridité du statut de ces chaînes de télévision, qui sont soit réputées publiques, comme celle du bouquet proposé par le groupe Outre-mer 1ère, ou « parapubliques », comme TNTV, car ces chaînes doivent trouver elles-mêmes une part de leurs ressources ; or la manne publicitaire se raréfie.

Si aujourd'hui ces différentes chaînes entretiennent des relations conflictuelles, c'est en partie parce que le groupe Outre-mer 1ère doit, lui aussi, se procurer des recettes, situation qui pousse les protagonistes à améliorer la qualité de la réception, grâce à la haute définition, mais aussi en celle des grilles de programmes. La question est donc posée, y compris sur le plan national, de l'opportunité même de la présence de chaînes publique ainsi que de leur objet.

Les bouquets proposés par le secteur public multiplient les chaînes spécialisées dans des domaines particuliers : nous arrivons aujourd'hui à quasiment vingt-six chaînes en Métropole. Avec huit à onze chaînes outre-mer, le mouvement naturel est de vouloir réduire les inégalités et fournir l'ensemble du bouquet : mais à quel prix pour le marché local de l'audiovisuel cela se fera-t-il ?

Le contexte n'est plus le même, les relations locales étaient saines autrefois, mais l'augmentation des demandes nationales a créé des situations très conflictuelles. Je comprends cependant le groupe Outre-mer 1ère, qui a besoin de se positionner, de faire du chiffre et d'obtenir des résultats afin de justifier son existence. Des menaces existent à l'échelon national, qui ont entraîné ses situations ; par ailleurs, une logique de groupe est à l'oeuvre, et ce qu'il s'est passé à La Réunion a eu des conséquences dans nos territoires, dans nos relations avec des chaînes dites locales et privées, alors que dans les faits, elles ne relèvent pas du secteur privé.

Il m'est revenu que le service public – Outre-mer 1ère – souhaite sortir de cette relation de compétition entre chaînes publiques pour construire des partenariats et trouver une entente au profit des usagers, qui, sinon, risquent d'être lésés.

Dans ce contexte, je demeure prudente : le passage à la HD n'est pas sans péril, et le mieux peut être l'ennemi du bien ;nous avons estimé le coût de l'opération pour TNTV, que j'ai alertée en début d'année. Il y aura aussi un impact sur les territoires autonomes en matière de télécoms, dont la Polynésie française, qui préserve l'équilibre du groupe Office des postes et télécommunications (OPT) avec ses filiales exerçant des activités payantes en revendant un bouquet de droit privé.

L'un des objectifs recherchés est que l'usager doit pouvoir bénéficier de chaînes gratuites, mais vous l'avez dit vous-même : ces opérateurs que l'on ne peut pas contraindre viendront-ils en Polynésie ? Seront-ils disposés à payer pour être présents dans le nouveau bouquet TNT étoffé outre-mer ?

Si je comprends la démarche, il n'en faut pas moins mesurer les enjeux et les conséquences pour les territoires concernés ; d'autres solutions existent et d'autres situations pourraient être débloquées : c'est le cas de Télédiffusion de France (TDF), du signal que nous devons toujours payer, des obligations auxquelles les chaînes locales sont statutairement astreintes et des plages horaires…

Ces évolutions lourdes risquent donc de se révéler contreproductives.

Je souhaiterais par ailleurs que soit posée la question de fond : qu'attendons-nous des chaînes publiques dans nos territoires ? Je sais qu'une réorganisation est en cours sur le plan national, et cela est une bonne chose. Sur le plan local, il serait bon de faire évoluer notre chaîne publique nationale rediffusée par le réseau Outre-mer 1ère, car se borner à faire de l'audience serait manquer le but.

Enfin, le paysage radiophonique est émaillé de profondes disparités en fonction des territoires considérés. J'ai participé à la relance d'une radio associative en Polynésie et à la création d'une autre, ce qui m'a conduit à soutenir le dossier devant le comité technique radiophonique (CTR).

Si les aides du FSER sont effectivement mal connues, il me semble qu'un accompagnement au montage des dossiers devrait être organisé, car, vous l'avez relevé, il s'agit parfois d'associations très éloignées du coeur de l'archipel qu'est Papeete, et il me semble que cette situation se répète dans d'autres territoires. Les dossiers sont très lourds à constituer, ce à quoi s'ajoute la pression ressentie lors du passage devant le jury ; il faut aider les associations concernées à accéder à ces fonds publics. Certaines contraintes devraient être levées telles les obligations de remplir des quotas ; car le contexte est différent outre-mer : si l'on veut qu'une chaîne ait du succès, il faut pouvoir diffuser de la musique locale, et les quotas de chansons d'expression françaises peuvent constituer un handicap.

De même la classification des radios en A, B et C doit être établie avec prudence, ainsi, si la catégorie A présente des avantages, la catégorie C peut être préférable, car la grille de programme imposée peut ne pas correspondre à un équilibre économique. La tentation est alors de renoncer à la catégorie A, en dépit des aides auxquelles elle ouvre droit, au profit de la catégorie C, dont la grille de programmes est plus souple ; car les perspectives de commercialisation et de levée de recettes sont meilleures.

Je souhaite encore signaler que le prochain rapport bisannuel de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer (CNEPEOM) sera consacré à la culture outre-mer. Je travaille sur ce sujet, avec notre collègue Olivier Marleix notamment ; nous entendons de nombreux acteurs de la culture entendue au sens large, et, dans ce cadre, je vous recevrais avec plaisir.

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